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1871 dans l'Ain

L'année 1871 est catastrophique. Bien que le 1er bataillon de mobiles de l’Ain combat à Beaune la Rolande, au Mans et à Patay et que le 23 janvier 1871, le ministre de la Guerre apprend au préfet de l'Ain que les mobilisés du département se sont bien comportés aux combats de Dijon, malgré l’héroïque prise du drapeau du 5e bataillon du 61e régiment Poméranien à Châtillon-sur-Seine, par un membre du corps francs du Mont-Blanc, combattant avec les Garibaldiens, le 28 janvier, Paris capitule et l'armistice est signée entre la France et la Prusse. Si l’annonce de l’armistice est accueilli avec satisfaction dans l’arrondissement de Trévoux, le 30 janvier, les conditions de l’armistice, elle posent plus de questionnement.

L'Ain, menacée, tente de se mobiliser. L'arrondissement de Nantua craint d'être occupé. Le 29 janvier, le sous-préfet de Nantua dresse un état alarmant de la situation stratégique de l’arrondissement : “ nous n’avons personne dans notre personnel d’officiers qui puisse surveiller, relier et activer les forces de nos différents points attaquables. Mr de Douglas est actif, intelligent, de bonne volonté et à des chevaux pour marcher. Ne pourriez vous en faisant une sorte d’officier major, le mettre à même de remplir dans le pays cette mission nécessaire ” [1]. Les communications sont au plus mal : “ je n’ai toujours aucune nouvelles de vous ”[2], “ le bruit court ”[3] peut on lire régulièrement dans les télégrammes officiels. Les administrations civiles sont laissées seules à gérer les actions militaires, le préfet devient officier d’état-major et les sous-préfets aide de camp : “ il serait sous les ordres soit de l’autorité militaire, soit de l’autorité administrative…examinez cette combinaison…et décidez ”[4]. La désorganisation est complète : Bourg, sans doute ayant encore le seul télégraphe en état de fonctionner sert de relais aux informations à envoyer aux préfets des départements voisins, dont les administrations ont éclatés ; le 3 février, le sous préfet de Nantua accueille le receveur particulier de St Claude qui verse sa caisse dans la recette de l’arrondissement et qui “ demande que la trésorerie de Lons le Saunier est à Bourg…il attend ici instructions ”[5]. De plus, le rapprochement de la ligne de front inquiète les autorités du département mal informées des actions militaires. Le 6 février, le sous préfet de Trévoux envoie un télégramme à Bourg pour avoir des nouvelles du 4e bataillon de mobiles de l’Ain : “ avez vous de leurs nouvelles ? on est inquiet ”[6] écrit il alors que le bataillon est à Paris, regroupé avec le 2e et le 3e au sein du 40e régiment de mobiles.

Le 2 février 1871, le préfet de l’Ain informé que Garibaldi arrive à Bourg, le jour même à 16h 58 et repart pour Mâcon à 17h 15. Cette venue de l’illustre commandant des chemises rouges, correspond avec le cantonnement de 7 300 garibaldiens, éclaireurs et mobiles de la Charente en Bresse et Revermont.

Face aux nouvelles de la progression des Prussiens, le 2 février, le maire de Nantua demande au préfet de l’Ain si il est possible d’envoyer un détachement de l’armée régulière sur Dortan, même si il faut retenir pour cela les soldats de passage. Le maire de Nantua se dit même prêt à les armer. Le sous préfet de Nantua prévient de Préfet de l'Ain, le 3 février 1871 que des éclaireurs prussiens ont été aperçu du côté de St Laurent en Grandvaux, déjà occupé du 30 au 31 janvier par 100 prussiens. Afin de stopper une éventuelle tentative d ’invasion il détache à Dortan, Matafelon et sur la frontière avec le Jura des corps-francs formés en tirailleurs, sous les ordres d’un capitaine. Ces troupes sont alors bien accueillies par le maire et le chef du bataillon d’Oyonnax, ainsi que par le capitaine de Dortan et l’officier de gendarmerie de St Claude. Mais lorsqu’il tente de mobiliser la Garde Nationale Sédentaire de Dortan, le capitaine des tirailleurs se voit remettre la démission du maire de la ville et est témoin de la mauvaise volonté des gardes des communes environnantes, qui ne pourrait être jugulé que par la présence de forces militaires suffisantes. Le 11 février, ayant reçu le rapport du capitaine des tirailleurs à Dortan, le sous-préfet de l’Ain informe le préfet de la couardise du maire et des gardes sédentaires de cette commune et lui signale l’attitude néfaste de l’adjoint de Martignat.

Le 6, le sous préfet de Nantua demande des armes et des renforts pour joindre à ses corps-francs du côté de Matafelon et Dortan. La ville de Bourg apprend, le 7 février 1871, que Lons le Saunier est occupée par une forte colonne prussienne. Toutefois, des cavaliers prussiens, bien que rapidement repliés du Haut Bugey, réussissent à parfaitement être informés de la position et de l’utilité des passages dans cette région. Le préfet de l’Ain informé des doléances du sous-préfet de Nantua lui fait demander ses besoins en hommes, chevaux et provisions. Mais la situation est tellement floue et l’organisation désorganisée que le 11 février, le sous-préfet de Nantua ne peut que répondre qu’il ne peut pas s’en douter, “ tout étant inattendu…du jour au lendemain, nous pouvons manquer de tout ”[7]. Toutefois, il suggère à demi mot de réquisitionner les convoyeurs de l’ancienne armée de la Loire, qui repartent de Suisse avec leurs chevaux. Dès le 13 février, la situation dans le Haut Bugey s’aggrave. Les Prussiens lèvent une contribution de 200 000 francs sur St Laurent en Granvaux, ce qui doit, avec la démoralisation, atteindre gravement la combativité des habitants. En effet, “ après avoir compté beaucoup sur les gardes nationales de mon arrondissement, j’en suis réduit aujourd’hui à en rougir ”[8] écrit le sous préfet de Nantua. Ce dernier, désirant armer les Gardes Nationales Sédentaires du canton d’Izernore pour faire face à une attaque, fait distribuer des fusils aux gardes nationales des communes les plus exposées. Celle d’Izernore refuse ses armes, ce qui provoque la démission du commandant du bataillon. Le sous-préfet désirant agir avec promptitude et sévérité demande au préfet de pouvoir dissoudre la compagnie d’Izernore, “ pour cause de lâcheté et de désertion devant l’ennemi ”[9] et de révoquer l’adjoint de Martignat, “ cause de ce qui s’est passéà Izernore et qui pourrait être d’un exemple de plus en plus contagieux ” [10]. Le sous-préfet ayant tenté d’organiser la défense dans son arrondissement ne peut que constater l’impossibilité de compter sur la population pour défendre les passages, “ que l’autorité militaire avise ”[11] ajoute-t-il de dépit. Durant l’après midi de cette journée, le préfet de la Côte d’Or prévient son homologue de l’Ain qu’aux élections toute la liste républicaine a été élue.

Le 18 février, alors que le préfet du Jura doit déménager ses services à St Amour, l'Ain apprend par télégramme l'acceptation par la Suisse d'accueillir, de désarmer et d'interner la 1ère armée française, les débris de l’armée de Bourbaki traverse le pays de Gex pour se rendre en Suisse.

 

Bilan

            Alors que la paix est signée, la désorganisation a été telle que 3 653 fusils emballés[12] et 194 stockés sans emballages[13], qui auraient pu être distribués, sont encore présents à la préfecture de l’Ain en août 1871. Si la guerre de 1870/71 est ne reste qu’une cuisante défaite dans les mémoires, elle est aussi un exemple d’abnégation et de sacrifice. Si elle enlève au département de l’Ain 1 396 hommes, elle met aussi à l’honneur bon nombre d’enfants du pays qui reçoivent la Légion d'Honneur ou la médaille militaire, tels :

 

Jérôme Croyet, Docteur en Histoire,

cours donné à l’Université Tous Ages, Lyon II. Année universitaire 2003 - 2004

 



[1] Télégramme du sous-préfet de Nantua, 29 janvier 1871. A.D. Ain 8R.

[2] Télégramme du sous-préfet de Nantua, 29 janvier 1871. A.D. Ain 8R.

[3] Télégramme du sous préfet de Trévoux, 6 février 1871. A.D. Ain 8R.

[4] Télégramme du sous-préfet de Nantua, 29 janvier 1871. A.D. Ain 8R.

[5] Télégramme du sous-préfet de Nantua, 3 février 1871. A.D. Ain 8R.

[6] Télégramme du sous préfet de Trévoux, 6 février 1871. A.D. Ain 8R.

[7] Lettre du sous-préfet de Nantua au préfet de l’Ain, 11 février 1871. A.D. Ain 8R.

[8] Lettre du sous-préfet de Nantua au préfet de l’Ain, 13 février 1871. A.D. Ain 8R.

[9] Lettre du sous-préfet de Nantua au préfet de l’Ain, 13 février 1871. A.D. Ain 8R.

[10] Lettre du sous-préfet de Nantua au préfet de l’Ain, 13 février 1871. A.D. Ain 8R.

[11] Lettre du sous-préfet de Nantua au préfet de l’Ain, 13 février 1871. A.D. Ain 8R.

[12] Il s’agit de 392 fusils Enfield, 589 fusils Springfield, 2 285 fusils rayés, 362 fusils lisses, 6 fusils à tabatières et 192 Chassepots.

[13] Il s’agit de 82 Chassepots, 3 fusils à tabatières, 19 fusils rayés, 2 carabines, 1 fusil Remington, 58 Enfield et 29 Springfield. A cela s’ajoute 6 sabres de cavalerie.

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