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aperçu de 1848 dans l'Ain

    Les années qui s’écoulent du 24 février 1848 au 2 décembre 1851 offrent le spectacle d’une société, dominée par la bourgeoisie, surprise par une crise politique et sociale, qu’elle n’a su ni prévoir, ni prévenir.

D’abord frappée de stupeur, cette société dominée cherche à s’accommoder de la République qu’elle a tenue jusque-là pour suspecte. Mais, effrayée par le déchaînement des revendications socialistes qui suivent la révolution de Février, elle réclame l’ordre et la sécurité. Ce fut un malheur pour la République de 1848 que son avènement coïncidât avec l’explosion des doctrines socialistes, et que cette révolution politique se compliquât dune agitation sociale.

La fondation de la République en France était une tâche assez ardue pour absorber les forces de ceux qui l’avaient entreprise ; bien téméraires étaient ceux qui chaque matin sommaient le gouvernement provisoire de résoudre la question sociale. L’étude des questions économiques, l’application des réformes tendant à améliorer le sort des classes laborieuses exigent un temps calme et un gouvernement stable. Ce n’est pas dans la tourmente de Février que pouvaient être étudiés et résolus ces problèmes difficiles. Toute cette agitation jeta l’inquiétude dans les esprits, fit naître la crainte pour la sécurité des personnes et des biens. Le spectre du partageux, mais surtout du revanchard, hante l’imagination du bourgeois et du propriétaire rural. Aux terreurs sincères se joignent les terreurs feintes.

D’autre part, les auteurs de la Constitution créent un Président qui représente le peuple au même titre que l’Assemblée : c’est constituer un dualisme plein de périls qui devait avoir infailliblement ses conséquences tôt ou tard. L’élection d’un Bonaparte à la présidence de la République, le triomphe d’une majorité monarchiste aux élections législatives de mai 1849, l’épouvantable réaction qui suivit le 13 juin, particulièrement chez nous, sont autant d’étapes vers le Coup d’Etat. En effet, le 15 juin 1848, alors que les canuts se battent à la Croix Rousse, l’état de siège est décrété dans toute l’étendue de la 6e division militaire, dont le département de lAin faisait partie. « Il devait durer trois ans et devenir, pour les pays rouges, le régime normal dadministration. En même temps, deux bataillons dinfanterie étaient cantonnés dans les villages du littoral de la Saône, entre Pont-de-Vaux et Pont-de-Veyle, et rayonnaient de là sur la Bresse et la Dombes »1.

« En nommant le neveu de lEmpereur, lancien carbonaro qui avait fait la guerre au Pape, lauteur des Idées napoléoniennes, les paysans et ouvriers de lAin nentendaient pas renverser la République, car après comme avant le 10 décembre, ils donnèrent leurs voix aux candiadts républicains. Ils voyaient dans le prince Louis-Napoléon un représentant de la Révolution et de la démocratie »2 .

 

Enfin, il est permis de douter que le parti républicain fût alors, pris dans son ensemble, un parti de gouvernement. Même si, il est sincère, désintéressé et courageux ; on ne peut s’empêcher de déplorer son goût pour les théories absolues et les utopies, ses divisions, son manque de clairvoyance et d’esprit politique. Ils étaient rares, à cette époque les républicains capables de comprendre qu’on ne transforme pas en un jour, avec quelques décrets, une nation vieille de quatorze siècles.

 

Outre les effets profonds et durables de la politisation révolutionnaire sur le peuple qui se vérifie en 1848 et en 1851, d'une manière générale, le militantisme révolutionnaire marque aussi durablement l'Ain dans ses opinions politiques. L'Ain département très révolutionnaire ente 1790 et 1795, avec 10% de la population masculine en âge de travailler militante pour la Révolution, et près de 10% de ces militants réemployés par l'administration directoriale puis impériale, se pose tout au long du XIXe comme un des départements les plus républicains de la France. La proclamation de la République en 1848 fait resurgir les symboles républicains, comme l’arbre, mais aussi jacobin comme le « citoyen » même au plus au degré de l’administration départementale1. Au cours des élections législatives du 13 mai 1849, moins de la moitié des élus sont des notables du parti de l'Ordre, et lors des élections de 1876, tous les élus du département sont des républicains et lorsque les institutions républicaines sont mises en périls en 1851, des émeutes populaires républicaines accueillent le coup d'état de Napoléon III à Villars-les-Dombes, Miribel, St Marcel en Dombes mais surtout Bâgé-le-Châtel. Deux ces villes, Miribel et Bâgé avaient une société populaire en 1793, Villars et Bâgé avaient un comité de surveillance.

 

 

1 Le 22 septembre 1848, le maire de Druillat écrit au « citoyen préfet ». Le préfet donne de son côté la mesure en employant le terme « citoyen » lorsqu’il s’adresse aux maires, le 15 septembre 1848.

1 DAGALLIER F : Le coup d’état dans le département de l’Ain, Annales de l’An, Bourg 1880.

2 DAGALLIER F : Le coup d’état dans le département de l’Ain, Annales de l’An, Bourg 1880.

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