1800 : la sécurité des personnes à l'ordre du jour

2.83 L'ouverture d'une ère "sécurisée"

 

Judiciairement, le coup d’état du 18 brumaire marque un retour à l’ordre et à la sécurité publique1 : “ Les évènements des journées de 18 et 19 brumaire semblent déjà produire dans le canton d’heureux effets ; les républicains redoublent d’énergie et de courage pour seconder le gouvernement dans les mesures qu’ils prend pour rétablir l’ordre, l’union et la tranquillité parmi les citoyens ”2. Afin d'affermir la sécurité, des mesures exceptionnelles sont prises pour la sûreté des biens et des personnes, de vastes chasses aux conscrits réfractaires et aux déserteurs sont organisées avec des troupes. Le département est alors depuis 1796 sous la coupe réglée de bandes de brigands (surtout en Bresse et dans la plaine de l'Ain). Une des premières mesures de l'administration préfectorale, avec l'aval complaisant et informé du ministre Fouché, est de réarmer, en partie pour la chasse, les bons citoyens "comme une…une simple précaution"3 et durant l'été 1800, de désarmer la population de ses armes de guerre au profit des troupes. Dès lors l'administration va contrôler la vente et la circulation d'arme. Pour avoir un fusil, il faut désormais faire une demande motivée à la préfecture et pour acheter de la poudre, il faut avoir une autorisation qui n'est délivrée qu'aux marchands. Afin de maintenir l'ordre social, si cher aux Bonaparte, Fouché demande au préfet Ozun de tenir informé les fonctionnaires de police sur les personnes acquittés pour des faits relatifs à la tranquillité et la sûreté publique, ainsi que sur les vagabonds. Cette demande de Fouché est appliquée à la lettre par Ozun dès 7 avril 1801.

Avec les troubles genevois qui poussent la ville à être en état de siège en 1800, l'administration préfectorale, sur directives du ministre de la Police, devient particulièrement attentives aux suisses. Les surveillances particulières sont renforcées, d'abord envers les anciens soldats suisses au service de la France, qui dès le 16 juillet 1800, sont l'objet de beaucoup d'attention, notamment dans l'arrondissement de Trévoux, puis envers les personnes allant en Suisse, dès le 10 septembre 1800. A ces surveillances particulières, se joint une surveillance morale à travers l'observation des tables de jeu, repères d'espions et moyens de trafic financiers ; l'espion anglais Guillard de Montmerle, arrêté au camp de Boulogne, le 3 novembre 1803 par Soult, n'est-il pas joueur professionnel domicilié à Genève ?

Dès 1801, la politique sécuritaire d'Ozun porte ses fruits : les brigandages, souvent liés à la désertion4 et à un activisme royaliste, cessent, de même que les vols à main armés. Des mesures draconiennes sont prises à l'encontre des mendiants qui sont arrêtés et mis sous la responsabilité frumentaire des communes. La police est efficacement organisée dans les communes de l'Ain, notamment dans les environs de Lyon.

 

CONCLUSION

 

Si, en France, le coup d’état du 18 brumaire met un terme à la révolution politique, dans l’Ain, il favorise la sûreté des personnes et des biens mais surtout redistribue les cartes politiques entre anciens thermidoriens, anciens sans-culottes et anciens nobles. Il répond au désir de Groscassand Dorimond de terminer la Révolution avec la pérennisation des ses acquis. L’avènement du Consulat marque dans le département de l’Ain le début d’une accalmie politique et sociale mais, avec la gestion de la levée de l’armée de Réserve et du stationnement de la Légion Italique, il marque le début de l’administration moderne et la fin de la politisation populaire avec la mise sous surveillance de tous les opposants au nouveau Gouvernement. Le Consulat consacre l’avènement de la bourgeoise patriote de 1789, issue des cercles sociaux culturels et maçonniques de l'Ancien-Régime, comme la nouvelle élite politique départementale, comme Brillat-Savarin, Thomas Riboud ou Deydier. Toutes les grandes administrations départementales, tribunaux, sous-préfectures, sont entre leurs mains. Cette bourgeoisie qui sort ébranlée par "dix ans d'orage"5 (sur les 66 membres de la Société d'Emulation en 1793, 21 sont décédés entre 1793 en l'an IX dont plusieurs de mort violente6) ne peut que lier son destin à celle du nouveau pouvoir, ses vues étant "conforme aux vues du gouvernement"7. Pour cela, elle reforme une sociabilité bourgeoise : la société d'Emulation reprend ses séances le 21 juin 1801 sous les hospices du préfet Ozun, le 3 août 1806, la Société de l'Arc et Arquebuse de Pont-de-Vaux se réunie sous les hospices du préfet Bossi et à partir de 1810, les loges maçonniques se reforment dans l'Ain. De la vague politique populaire de 1793, le Consulat, puis l’Empire ne garde que quelques représentants à qui il confie les petites mairies rurales. Toutefois, l’effort de politisation des foules durant la période 1791-1795 n’est pas vain et porte ses fruits en 18488.

 

Outre un milieu social et un environnement favorables à un regain d'intérêt pour la cause révolutionnaire des classes laborieuses du département de l'Ain, rien ne laisse prévoir, à la bourgeoisie de 1788-1789, la politisation des foules par échelon qui les amène à prendre de pouvoir. Cette prise de pouvoir et les maladresses politiques conduisent à une lutte fratricide qui fait le lit de la contre-révolution mais aussi et surtout à une réaction sévère de la bourgeoisie qui mène droit à l'avènement du Consulat et d'une forme éclairée républicaine de despotisme.

 

Après avoir étudier la forme de politisation des militants révolutionnaires de l'Ain et ses conséquences politiques, il est intéressant de s'interroger sur l'idéologie et les moyens mis en œuvre pour servir cette politisation. En effet, les "bonnets rouges" de l'Ain, surtout les sans-culottes", ajoutent une dimension idéologique à leur entrée en révolution. Cette dimension, fruit de la politisation, les amène à se définir comme une entité sociale et à définir les autres entités sociales. De même, dès que cette idéologie est définie, ils mettent en place des moyens et des actions révolutionnaires aptes à propager l'esprit révolutionnaire.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 

1 le 21 messidor an IX, le ministre de la Plice Générale ordonne l'arrestation du prêtre Rongier, chef de bande des royalistes du Midi, échappé de Lyon et réfugié à Pont de Vaux.

2 Compte rendu du commissaire du gouvernement près l’administration du canton de Châtillon en Michaille, 10 frimaire an 8. A.D. Ain 2L.

3 A.D. Ain 4M 40.

4 Un trafic de faux congé est démantelé dans l'Ain en 1801.

5 3e registre de délibérations de la Société d'Emulation de l'Ain. Archives de la S.E.A, déposées aux A.D.Ain.

6 La Baume Montrevel, Varenne de Fenille, Sériziat.

7 3e registre de délibérations de la Société d'Emulation de l'Ain. Archives de la S.E.A, déposées aux A.D.Ain.

8 La politisation des foules de l'Ain est un succès et les idées républicaines sont fortement ancrées et marquent d'une empreinte indélébile le XIXie siècle, à l'image de ce contrôle des douanes au moulin de Charles Besson, à Langras, commune de Perron, le 26 novembre 1814, où les douaniers outre de se faire injurier, il est dit par un commis du moulin, "qu'il chiait sur les cocardes blanches". A. D. Ain P 292. 

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