2.82 La mise en place de la nouvelle administration
L’avènement de Bonaparte favorise la sûreté des personnes et des biens mais, surtout, redistribue les cartes politiques entre anciens thermidoriens, anciens sans-culottes et anciens nobles : "accueillez tous les français, quel que soit le parti auquel ils ont appartenu"1. Cette prise de pouvoir et ses conséquences politiques répondent au désir de Groscassand Dorimond de terminer la Révolution avec la pérennisation de ses acquis.
La mise en place du Consulat et la réformation de l'administration signifie pour les militants révolutionnaires issus des classes sociales laborieuses urbaines et rurales, d'un retour à la vie civile avec un éloignement de la politique. Pour 7,31% d'entre eux, soit 601 personnes, on assiste à un réemploi administratif ou judiciaire, à différentes places, mais avec la méfiance de 1793 : "La révolution reprend son ancienne direction. Jetez donc les yeux sur les hommes qui, dès 1789, se sont prononcés pour une sage liberté"2. Beaucoup d'anciens sans-culottes et de membres de comités de surveillance sont nommés maires, comme Paul Cochand, membre de la société populaire de Tenay en l'an II qui est maire d'Argis sous le 1er Empire ou Joseph Grenard, membre du comité de surveillance de Chézery qui est nommé maire de Forens sous le 1er Empire. Beaucoup de patriotes de 1789 et de 1791, comme Thomas Riboud ou Brillat-Savarin, obtiennent des places plus prestigieuses : chacun est employé en mesure de ses capacités mais aussi de son autorité et les plus hostiles sont éloignés du pouvoir comme Claude Joseph Majeur, maire de Versoix en 1791 et membre de la société populaire de Versoix en l'an II. Mais l'attrait de ces postes municipaux n'est pas grand, tellement le prestige de l'administration a été détruit sous le Directoire, ce qui signifie la grande difficulté à trouver des hommes qui acceptent la place de maire.
Dans l'Ain, outre cette redistribution politique des rôles administratifs, judiciaires et municipaux, l'année 1800 est marquée par la mise en place de l'administration préfectorale, créée le 17 février 1800, avec l'arrivée à Bourg, le 8 juin 1800, de Jean Antoine Ozun, nommé préfet de l'Ain suite au refus du poste par Jacques Hyacinthe Fabry, le 2 mars. Ce refus, d'ailleurs de Fabry, met bien en évidence le peu de confiance et d'attrait qu'ont les postes administratifs pour une élite sociale départementale favorisée par la Révolution. Ozun prend ses fonctions à l'ancien hôtel des Provinces, rue Crève Cœur. Officiellement, Ozun est chargé de "faire connaître les lois…et de transmettre les réclamations…au Gouvernement"3, mais de faits, il bénéficie de pouvoirs beaucoup plus étendus : "vos attributions sont multipliées ; elles embrassent tout ce qui tient à la fortune publique, à la prospérité nationale, au repos des administrés"4 lui écrit Lucien Bonaparte. Nouveau pilier du Gouvernement, infaillible malgré les tendances politiques, Ozun, qui ne cache pas son attachement à la République, prend sa mission très à cœur, surtout celle de raviver l'image des fonctions publiques alors durement ébranlée par le Directoire. Pour ce faire, le 19 avril 1800, il dote son administration d'un règlement : la préfecture de l'Ain est divisée en quatre bureau (ordre public et police générale, finance, contentieux, de sous préfecture), surveillée par un poste militaire. De même, afin "de prévenir les actes arbitraires auxquels le défaut de connaissance des lois pourrait donner lieu"5, il exige que chaque commune s'abonne au Bulletin des Lois, tout comme il fidélise les grands fonctionnaires publics du département, Rubat, Meurier et Bochard, en leur décernant le 15 septembre 1800, au nom du Gouvernement, des médailles frappées à la mémoire de la bataille de Marengo. La nouvelle administration doit être modélisé sur l'armée mais doit aussi servir de référence aux citoyens : "imitez le plus honorable exemple qu'on puisse citer dans ce siècle"6. Pour ce faire, le gouvernement dote, le 7 mai 1800, tous les administrateurs et fonctionnaires d'un uniforme et de marques de leur fonction. Dès le 29 mai, Ozun exige que les sous-préfets, maires, adjoints et commissaires de police se munissent de ces effets.
d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury
mis en ligne par l’association SEHRI
1 Lettre circulaire de Lucien Bonaparte, 21 ventôse an VIII. A.D. Ain série M.
2 Journal de l'Ain, n°38, 10 mai 1815. A.D. Ain.
3 MAYOL Jean-Loup : Raconte moi…le préfet. Collection du citoyen, Nouvelle Arche de Noé éditions, 1998.
4 Lettre circulaire de Lucien Bonaparte, 21 ventôse an VIII. A.D. Ain série M.
5 Arrêté d'Ozun, 26 floréal an VIII. A.D. Ain 1M.
6 Lettre circulaire de Lucien Bonaparte, 21 ventôse an VIII. A.D. Ain série M.
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