an IV : la résistance des Muscadins

2.79 Résistance muscadine, an IV

 

Lorsque Morand apprend du Ministre de la Police que quatre1 "agents de Pitt et Condé, envoyés en France pour exciter des troubles, provoquer des insurrections et corrompre à force d'argent"2, il demande, le 13 prairial an IV dans une lettre secrète, à l'administration municipale du canton de Bâgé présidée par l'ancien sans-culotte Gacon, "à prendre sur le champ des mesures secrètes pour découvrir la marche et la retraite de ces conspirateurs"3. Très informés des manœuvres des agents anglais et royalistes, Morand et Paté entreprennent de les combattre en accentuant les contrôles des passeports. Le 6 messidor an IV, Morand, commissaire du pouvoir exécutif auprès du département, réclame à Paris la venue de soldats à Bourg, en nombre suffisant, pour maintenir l’ordre. Il dénonce aussi “la majorité des membres de l’administration (qui) ne sont pas les plus grands partisans du Gouvernement actuel, mais l’ancien régime peut avoir pour eux plus d’appas4. Le lendemain, Paté fait publier une brochure contre le “vertueux. . .Rousset, ex-agent national du ci-devant District de Bourg, honorable victime du terrorisme de l’an II, dont les fureurs l’ont plongé pendant plus de deux. . .jours dans un cachot qui aurait pu servir de caserne à quinze cents hommes5 et le 4 thermidor an IV, il dénonce au ministre de la Police l’état de rébellion dans lequel se trouve la ville de Bourg. Constat général que fait Reverchon au début de l’an IV pour le département : « les commissaires du Directoire Exécutif…du Département de l’Ain, a donné les uns leur démission et que les autres étoient continuellement menacé »6, allant jusqu’à qualifier les agitateurs de Bourg de Chouans.

 

Les attaques anti-royalistes de Morand et de Paté poussent les députés Girod de l’Ain et Valentin Duplantier, le 30 thermidor an IV, à demander au département de l’Ain de dénoncer publiquement Paté et Morand pour avoir pris des dispositions afin de « vouloir rétablir le club de cette commune »7, ce dont se défend Paté. Cette rumeur lancée par l’administration centrale du département, relayée par les députés de l’Ain, se base sur l’habitude de Paté de réunir les habitants pour leur communiquer les nouvelles qu’il juge important. Des habitants de la ville, comprenant d’anciens détenus, beaucoup de signataires de la pétition du 27 pluviôse an III contre le terrorisme et dont certains sont incriminés dans l’assassinat du 30 germinal an III, se font le soutien populaire des attaques contre Paté et Morand en signant une pétition les dépeignant comme des jacobins teintés de babouvisme, le 7 fructidor an IV. De fait à Paris, ces dénonciations n’inquiètent pas le ministère de la police qui demande à Paté le 21 frimaire, de prendre des mesures contre cette société des Amis. Dès le 26 nivôse, le commissaire du pouvoir exécutif de Bourg, Paté, rend compte de son action au ministre de la Police et « d’après les renseignements qui vous étaient parvenus, conspirait contre le Gouvernement ; d’après les renseignements que je me suis procuré, je n’ai pu acquérir que de légers soupçons »8.

A Bourg, cette manœuvre de Valentin Duplantier, dénoncé à Paris par Reverchon le 13 nivôse an IV, est relayée par Lalande qui sort de sa réserve pour mettre en action ses relais politiques à Paris, Carnot, et dans l’Ain, le général Carteaux. La vérité sur les désordres royalistes intérieurs est si flagrante que la lettre des deux députés n’a pas de conséquence, au contraire, l’initiative lancée par Morand et Paté fait des émules et le 15 vendémiaire an V, c’est à Venin, commissaire du pouvoir exécutif à Coligny, de dénoncer les administrations de Bourg qui ont laissé s’organiser les compagnons de Jéhu9. A cette situation s’ajoute le coup d’état de fructidor qui permet aux anciens jacobins de relever la tête. Certains anciens sans-culottes se montrent même si actifs que le 4 fructidor an V, le commissaire du pouvoir exécutif près l’administration municipale du canton de Nantua signale à celui du département qu’il se trouvait à Nantua, jusqu’à la parution de la loi du 7 thermidor, “une réunion de frères et amis s’occupant dans les ténèbres de questions politiques10. De même, au début de l’an VI, la proximité de la frontière genevoise permet à des contestataires du gouvernement de se réunir chez propriétaire genevois demeurant à Saconnex. Ils forment un cercle politique composé d’étrangers et de citoyens qui ont refusé la Constitution de l’An III ou qui ont été censuré lors des assemblées primaires.

 

Il faut attendre l’an VII pour qu’une nouvelle enquête soit diligentée par le juge d’Yssingeaux, réorientant la piste des contre-révolutionnaires de l’Ain et de la région sur les compagnons de Jéhu. Pour la première fois les témoignages des sans-culottes survivants sont pris en compte et à l’issu d’une enquête complète, plusieurs citoyens de l’Ain sont inculpés, non seulement dans l’assassinat des sans-culottes de l’Ain et du Jura mais dans plusieurs autres. Paté, dans sa dénonciation de l’an VII, incrimine directement Boisset. Ce sont trente-six personnes qui sont dénoncées au Puy en Velay en l’an VII pour leur participation ou leur concours à l’assassinat des sans-culottes.

Cette politique qui vise à exclure les "hors-la-loi" de toutes extrémités du cercle des citoyens, afin de souder les français autour du règne des lois, continue aussi à s'exercer contre les prêtres réfractaires, même si le temps des mesures anticléricales de l'an II est fini, témoin l'arrestation, par la Garde Nationale de Lalleyriat, le 22 prairial an VI, du prêtre réfractaire Pierre Figuet, caché sous un coffre chez Louis Allombert dit Turret.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 

1 Il s'agit des frères Féard de Vesoul, d'un officier dans le régiment de Lyonnais Infanterie, Cardaillac et du commandant des carabiniers Malseigne.

2 Lettre de Morand à l'adminitration municipale du canton de Bâgé, 13 prairial an IV. A.D. Ain 12L 5.

3 Lettre de Morand à l'adminitration municipale du canton de Bâgé, 13 prairial an IV. A.D. Ain 12L 5.

4 Lettre de Girod de l’Ain et de Valentin du Plantier, 30 thermidor an IV. A.C. Belley rév.10.

5 A.D. Ain bibliothèque D339.

6 Lettre de Reverchon au ministre de la Police, Bourg, 13 nivôse an IV. AN FIII 98.

7 Lettre au ministre de la police générale, Paris, 19 fructidor an IV. A.N. F7 3647.

8 Lettre du commissaire du pouvoir exécutif du canton de Bourg au ministre de la Police, Bourg, 26 nivôse an V. A.N. F7 3647.

9 A Coligny, l’administration municipale, pour se « garantir de nouveaux attruopements » fait cantonner 13 dragons. Mémoire sur Coligny, n.d. A.D. Ain 12L 111.

 

10 Lettre du commissaire du pouvoir exécutif auprès de l’administration du canton de Nantua au commissaire du pouvoir exécutif près le département de l’Ain, 4 fructidor an V. A.D.Ain 2L non classé.

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