2.74 L'Ain, carrefour des brigandages
Dans l’Ain, les affaires sont nombreuses et mettent en cause des brigands appelés, plus au Sud, des chauffeurs[1]. Dès le commencement du Directoire, avec la relâche politique, les bandes organisées en provenance de Lyon envahissent le sud et l’ouest du département de l’Ain. Le 1er brumaire an IV, une troupe de 25 à 30 hommes habillés de vestes marron, de gilets bleu, de chapeau ciré et armés de pistolets, sabres et fusils, attaquent et pillent le château de Leyment. Le 24 brumaire, suite à un arrêté du Comité de Sûreté Générale, l'administration du département de l'Ain interdit la vente et l'usage des épées, cannes épées, sabres, poignards et bâtons ferrés. Le 1er nivôse, une troupe de 15 à 20 personnes armées de sabres, de fusils et de pistolets attaquent, volent et torturent les habitants du château de la Servette. L’an 5, est aussi marqué par une forte insécurité. Le 12 frimaire an V, une dizaine de brigands pénètrent chez un hôtelier de Briord, qu’ils pendent deux fois pour obtenir son argent, les bijoux de ses filles et son mobilier. Le 19 nivôse an V, suite à une incursion de brigands à St Paul de Varax, “les membres de l’administration municipale de Montmerle, qui la composent, ont trop senti le besoin de s’armer, de se garder”[2]. Quelques jours plus tard, le 28 pluviôse, une lettre alarmiste du commissaire du pouvoir exécutif auprès de cette même administration cantonale prévient le commissaire du département qu’ “une bande considérable de brigands longeant le Rhône dans l’intention d’y exercer leur scélératesse et faire contribuer les personnes riches et qu’ils exécutèrent en différents endroits notamment à Loyettes”[3]. Par la suite les bandes deviennent plus organisées et surtout plus entreprenantes. Le 13 vendémiaire an VI, quatre brigands attaquent le courrier de Lyon à Strasbourg. Le 28 frimaire, une troupe d’hommes armés volent de la farine saisie dans les bureaux de la douane du Grand Sacconnex. En germinal, des brigands s’attaquent à la diligence d’eau de Chalon à Lyon, au port de Riottier. Le 30 floréal, des chauffeurs attaquent une ferme isolée dans la commune de Chaleins. Là, ils brûlent les pieds d’un homme dans sa cheminée, puis après lui avoir volé son argent, ils tuent sa femme et un berger, puis les font tous les trois brûler dans la maison.
Les administrations cantonales se plaignent de la recrudescence des infractions à la loi : “les vols redoublent de toutes parts et les voleurs vont jusqu’à dételer les bœufs des chariots”[4]. Si les brigands trouvent, sous le Directoire, des conditions favorables à leurs forfaits, ils sont indirectement aidés par le manque de motivation de la gendarmerie et l’insuffisance de sécurité des prisons de Bourg, Trévoux et Châtillon-sur-Chalaronne, dont les administrateurs se plaignent qu’elles ne soient “pas plus solides et sures” [5] car les brigands qui y sont incarcérés s’en échappent sans grande difficulté. Et même “si quelques uns de ces voleurs sont pris, le jury se voit forcé de les relâcher, à défaut de preuves”[6]. Pour les administrateurs du département, la responsabilité des égorgeurs de Lyon ou des compagnons de Jéhu[7] ne fait aucun doute. Si les attaques de ces brigands visent l’argent, leurs motivations politiques ne font aucun doute : “ils ne voulaient point de son argent, mais que la République leur ayant pris tout ce qu’ils avaient, c’était l’argent de la République qu’ils réclamaient ”[8].
d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury
[1] Voir CROYET (Jérôme) : Brigands et chauffeurs sous le Directoire dans l’Ain. Bourg, 2002, 8 pages. Bibliothèque A.D. Ain L66/3.
[2] Lettre des administrateurs de la municipalité de canton de Montmerle, 19 nivôse an V. A.D. Ain 2L.
[3] Lettre du commissaire du pouvoir exécutif de l’administration du canton de Montmerle, 28 pluviôse an V. A.D. Ain 12L.
[4] Lettre de l’administration municipale du canton de Seyssel au Ministre de la Police, 8 nivôse. A.D. Ain 2L.
[5] Lettre de l’administration municipale du canton de Châtillon-sur-Chalaronne, 9 germinal an 7. A.D. Ain 2L.
[6] Lettre de l’administration municipale du canton de Seyssel au Ministre de la Police, 8 nivôse. A.D. Ain 2L.
[7] Nom utilisé dans les actes judiciaires mettant en cause des massacreurs de sans-culottes en l’an IV dans le département de l’Ain.
[8] VARASCHIN (Denis). L’Ain. De Voltaire à Joubert. Centre départemental de documentation pédagogique de l'Ain, 1988, 131 pages.
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