floréal an III : le désarmement des jacobins

2.69 Le désarmement des sans-culottes

 

Arrivé à Lons-le-Saunier, le 2 floréal an III, le détenu Perrotte écrit à sa tante Lechat : "Je suis arrivé ici, ma chère tonton, sans avoir reçu le plus léger mauvais traitement. J'en rends grâce à la providence et aux braves citoyens qui nous ont amenés. . .j'ai appris en route qu'il y a eu un ordre du Comité de Sûreté Générale pour que les scellés fussent de nouveau apposés sur mes papiers. Je ne crains point cette mesure. J'attends de l'écquittée de mes juges la fin de ma captivité. Je vous invite à vous tranquilliser. Faîtes mes compliments à l'ami Butavand et à sa famille. Je vous fis dire en partant de Bourg de lui payer 90 livres que je lui dois en reste de la pension , ne manquez pas d'acquitter cette dette. S'il arrive des lettres pour moi vous me les ferez parvenir"1. Alors que la femme de Blanc-Désisles et sa mère quittent Bourg pour Mâcon, le district de Trévoux, le 3 floréal, décide d’appliquer l’arrêté de Borel et Boisset du 27 germinal, ordonnant le désarmement “de ceux qui ont participé aux horreurs commises sous la tyrannie qui a précédé le 9 thermidor ”2. Les termes de l’arrêté de Borel et Boisset sont tellement confus qu’un vote nominal est effectué pour savoir qui mérite le désarmement. Le 5, alors que vingt-deux assimilés terroristes du district de Trévoux sont désarmés par la municipalité, l'agent national du district de Nantua fait part de sa satisfaction de la mort des terroristes de l'Ain à son collègue de Bourg mais se montre plus soupçonneux quant aux circonstances de leur décès, une mort légale lui aurait paru plus convenable à l'honneur du département. Non content du résultat de la politique des thermidoriens, au lieu d'appeler à la clémence, l'agent national de Nantua demande de hâter de jugement des autres sans-culottes détenus : "ceux qui ont péri méritaient ce sort, sans doute qu'ils n'ont fait que précéder de quelques jours leurs complices…il eut mieux valu pour l'honneur de notre département…qu'il ne fut pas souillé du sang de ces vils cannibales qu'un juste châtiment n'aurait pas tardé à atteindre…cet exemple d'anarchie pourrait être imité si l'on continue à mettre…de la modération dans le jugement de ceux qui suivent"3. A St Rambert, lorsque la foule apprend l'assassinat des sans-culottes de Bourg, le 6 floréal, la complicité des autorités constituées est dénoncée : "une foule de bons citoyens qui induit à erreur par de faux rapports, répandaient que ces événements avaient été amenés par l'incurie et l'assentiment tacite des autorités constituées"4. L'agent national du district de St Rambert s'empresse de dissiper les doutes mais, néanmoins suspicieux quant aux dires de la foule, il demande à son collègue de Bourg que "l'on fait courir le bruit que ces détenus ont couru de nouveaux dangers dans leur trajet de St Amour à Lons-le-Saunier, tu m'obligeras de me mander la vérité"5. Tandis qu'une partie du Bugey se pose des questions, le 8 floréal, le directoire du district de Belley fait désarmer les personnes jugées terroristes. Mais au fait des informations concernant l’assassinat des sans-culottes, le district demande aux officiers municipaux de Belley : “que ce désarmement s’opère...(avec)beaucoup de discrétion, nous avons réfléchi qu’il peut y avoir des inconvénients à ce que cette affaire ce traite en conseil municipal, d’autant plus qu’il pourrait y avoir des membres quoique replacés depuis le 9 thermidor, n’en sont pas pour cela dispensé de l’examen et du désarmement s’il y a lieu...nous vous autorisons à vous entourer des lumières des bons citoyens dans quelle classe et quelle autorité ils se trouvent placés6.

Ce n'est que le 21 floréal an III, que la Convention, par le biais de son Comité de Législation, déclare illégal le transfert des sans-culottes de l’Ain dans le Jura. En exécution de cet arrêté, le tribunal criminel du Jura par la voix de son accusateur public ordonne le renvoi de Louis Carrier, Jean André Masse, Pierre Joseph Charcot dans la maison de détention de Belley.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

 

 

1 Lettre de Perrotte, 2 floréal an III. A.D. Ain série L.

2 Délibération du district de Trévoux, 3 floréal an III. A.C. Trévoux, liasse 20.

3 A.D. Ain série L.

4 Lettre de l'agent national du district de St Rambert à celui de Bourg, 6 floréal an III. A.D. Ain 4L.

5 Lettre de l'agent national du district de St Rambert à celui de Bourg, 6 floréal an III. A.D. Ain 4L.

 

6 Lettre du directoire du district de Belley aux officier municipaux, 8 floréal an III. A.C. Belley, rév. 10.

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