germinal an III : l'assassinat des sans-culottes de l'Ain

2.68 L’assassinat des sans-culottes : politique, vengeance et muscadins

 

Le 29 germinal, les terroristes jurassiens1 arrivent de Lons-le-Saunier. Ils sont conduits par Beffroy sur la place Marat où ils sont publiquement humiliés : "à leur entrée dans cette commune Beffroy suivi de plusieurs autres saisit la voiture pour les conduire sur la place où ils furent invectivés et frappés de plusieurs coups de bâtons et de là conduit aux prisons où Montbarbon les fit mettre à genoux les uns après les autres en disant : il faut que les coquins fassent amendes honorables au peuple Assemblée. Là ils furent maltraités, on leur donna plusieurs coups de bâton et on leur arracha les cheveux, ils furent suivis jusque dans les prisons et frappés de coups de bâtons toujours en présence du dit Montbarbon "2. C'est dans cette ambiance que le 30 germinal à 7 heures du matin, l'accusateur public du tribunal criminel de l'Ain demande au district que deux de ses membres se joignent à la municipalité afin de veiller qu'aucun accident ne survienne, et annonce publiquement le transfert des détenus. A 9 heures du matin, Blanc-Désisles ex-agent national de la commune de Bourg, Rollet-Marat ex-agent national du district de Bourg, Baron-Chalier de St-Rambert ex-administrateur du département, Frilet de Revonnas ex-officier municipal de la commune de Bourg, Chaigneau ex-notable de la commune de Bourg, les Juvanon père et fils de St Rambert ex-administrateurs au directoire du district de Bourg et au département, Ducret ex-officier municipal de la commune de Bourg, Masse et Torombert de Belley, Crozet de Coligny, Ravet de Bourg, Merle ex-accusateur public de Bâgé, Broccard, Duclos, Martine, Maret Ychard, Gay, Courenq, Rostaing tous de Bourg, Trocu-Malix de St Rambert, Tenant ex-agent national du district de St Rambert, Chevalier, Carrier, Bonnet, Dupont tous de Belley, Charcot de Virieu-le-Grand, Simonnard de Belley, Daudet de Lagnieu et Gallien de Bourg sont sortis de la prison des Claristes et sont placés dans trois voitures où ils sont entravés au cou par des cordes. "Une force armée composée de deux compagnies de canonniers, un fort détachement de la Garde Nationale et une brigade de Gendarmerie est distribuée et placée pour protéger le départ des détenus"3. Gaillard leur “fait ôter les cocardes...ainsi que les boutons de leurs habits, qu’ils étaient hors la loi et allaient être tous sacrifiés ”4 pendant que quatre officiers municipaux arrachent leurs ganses de chapeaux et leurs cocardes nationales5. Le détachement est sous les ordres de Montbarbon et de Charlet qui donnent des consignes aux canonniers qui accompagnent le convoi. Le cheminement des prisons à la place du Greffe se fait sans encombre. Arrivé là, "on entendit chanter le réveil du peuple, pousser des huées et des cris d'indignations. La multitude composée de beaucoup de citoyens de tout âge, de tout sexe et de tout état et même de beaucoup de cultivateurs, voulaient fondre sur eux, mais les autorités constituées du district et de la municipalité, l’accusateur public et la force armée en empêchent, il n'y eut que quelques coups de bâtons donnés"6. Si Rousset indique vaguement les personnes présentes et minimise les quelques coups de bâtons donnés, pour Paté les assommeurs ne sont pas des paysans et des inconnus de tous sexes et tous états, mais bien quarante citoyens de la ville de Bourg pour la plupart d'anciens détenus qui sont bien résolus à se venger des "coquins ". Ces citoyens se ruent sur la première voiture et distribuent des coups de bâtons mais sont repoussés par la garde nationale et par les invectives de l'accusateur public. Arrivés faubourg du Jura, Montbarbon, des hommes de la garde nationale et une douzaine de citoyens de la ville de Bourg attaquent la première voiture : "En sortant de Bourg cinq furent assassinés à coup de bâton dans la première voiture, qu'il (Benoît Ravet) vit aussi qu'on leur tira plusieurs coups de pistolet, que Dubreuil, Beffroy, Vuy fils, Duhamel fils déserteur, les deux fils Bonnardel drapier, Montbarbon donna le premier coup de sabre sur le poignet de Merle accusateur public, que le fils Juvanon qui était le sixième de la première voiture, ne fut pas tué, n'ayant reçu que deux coups de sabre qui lui avaient croisé la figure, s'étant caché sous des matelas; qu'a la sortie de la ville, Chaigneau fut assassiné entre ses bras sur la seconde voiture où ils étaient du nombre de dix "7. Alors que la veuve de l’imprimeur Legrand tire un coup de pistolet sur les sans-culottes. Crozet profite de l'agitation pour s'enfuir avec l'aide d'un gendarme et rejoint Coligny. Après le massacre, les corps sont emmenés à St Etienne-du-Bois, où Jules Juvanon meurt de manière suspecte. L'assassinat des sans-culottes n'empêche pas l'escorte de bien déjeuner et dormir : un repas à 100 livres est servi aux 18 canonniers de la Garde Nationale de Bourg à l'auberge du citoyen Convers. Cette attaque ouvre le bal de la Terreur Blanche, avec le meurtre de 9 terroristes jurassiens, le 13 prairial an III à 4 heures du matin et l'assassinat de 96 terroristes détenus dans la prison de Roanne de Lyon, dont Dorfeuille, le 15 prairial an III.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

 

1 Lors de leur retour à Lons, le 13 prairial an III, neuf d'entre eux seront assassinés au pont de Jugnon sur la route de Bourg à St Etienne du Bois, sur la commune de Viriat, où ils sont inhumés le jour même.

2Témoignage de Gabriel Paté. Dénonciations et insignes calomnies faites contre des citoyens de la commune de Bourg. A.D.Ain ancien 2L 23.

3Lettre du procureur syndic du district de Bourg à celui du district de Belley du 3 floréal an III. A.D.Ain série L.

4 A.D. Ain 2L non classé.

5Témoignage de Charles Degrusse. Dénonciations et insignes calomines faites conte des citoyens de la commune de Bourg. A.D.A 2J 23.

6Lettre du procureur syndic du district de Bourg à celui du district de Belley du 3 floréal an III. A.D.Ain série L.

 

7Déposition de Benoit Ravet. Dénonciations et insignes calomines faites conte des citoyens de la commune de Bourg. A.D.A 2J 23.

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