germinal an III : détruire ses opposants

2.67 Des détenus trop gênants : comment reprendre à son compte les idées des adversaires

 

Les sans-culottes détenus deviennent trop encombrants pour l'administration du département de l'Ain qui est désireuse de hâter leur procès pour se débarrasser d'eux. Considérant qu'il est impossible de les juger à Bourg ou dans leurs cantons, où ils rencontreraient trop de soutiens, les administrateurs du département décident de les transférer devant le tribunal criminel du Jura. De plus, l'assassinat, le 26 pluviôse an III, du terroriste Joseph Fernex à Lyon, donne le mode du crime anti-terroriste qui deviendra la norme thermidorienne, celle de l'attaque en masse des détenus lors de leur transfert. La haine des muscadins Lyonnais envers les hommes de l'an II s'étend durant l'hiver 1794-95 à l'Ain, avec le meurtre, le 29 ventôse an III, du terroriste Renaud lors de son transfert de Trévoux à Lyon. Afin de légitimer le transfert des terroristes de l'Ain à Lons-le-Saunier, les administrateurs du département envoient Braconnier et Rousset à Lyon le 24 germinal an III, où ils obtiennent, le 26, "sur les observations faites par les autorités constituées du département de l'Ain"1 des représentants Borel, Richard et Boisset2 l'autorisation de faire traduire les sans-culottes détenus de Bourg à Lons-le-Saunier et ceux de Lons à Bourg. Boisset justifie ce transfert, pourtant illégal, comme étant le seul moyen pour les sans-culottes de se justifier et d’échapper à une justice trop expéditive du fait de l'animosité des nouveaux administrateurs3. Le représentant n'ignore pourtant pas que la vie des sans-culottes est menacée mais comme à Lyon, son inaction à protéger les détenus favorise l'enclenchement de la répression violente contre les hommes de l'an II. A son retour à Bourg, Rousset, rue Simonneau, "fit lire l'arrêté au milieu de la rue, disant : Voilà l'arrêté qui nous débarrasse de tous nos coquins, ils n'en échapperont pas"4. Par ce geste l'agent national du district de Bourg signe l'arrêt de mort des détenus en alertant les revanchards de l'an II du départ de leurs bourreaux d'hier, pour Boisset, l'annonce publique de cet arrêté, exalte les esprits5 déjà très excités. Loubat de Bohan leur distribue de l’argent6 et Rousset, l’agent national annonce à qui veut l’entendre “ que tous les détenus y passeraient ”7. Puis l'arrêté de Boisset est remis à l'accusateur public à Bourg le 29 qui décide d'effectuer le transfert le lendemain. Abandonnés à leur sort, les sans-culottes le sont aussi par Jagot, qui n'est guère plus écouté, et par Méaulle et Albitte qui évitent de se compromettre.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

 

 

1Lettre de Boisset au Comité de Salut Public du 5 floréal an III. A.D.R. L208.

2Lettre du procureur syndic du district de Bourg à celui du district de Belley du 3 floréal an III. A.D.Ain série L.

3 "Il était de notre devoir d'empêcher qu'ils ne fussent victimes des pressions ". Lettre de Boisset au Comité de Sûreté Générale du 5 floréal an III. A.D.R. L208.

4Dénonciations et insignes calomnies faites contre des citoyens de la commune de Bourg. A.D.Ain ancien 2L 23. Dubois dans son tome 5, page 277, nous donne la rue d'Espagne pour lieu de la lecture.

5Lettre de Boisset au Comité de Salut Public du 5 floréal an III. A.D.R. L208.

6 Il est dénoncé en l’an 7, par Corinque pour avoir payé les assassins des sans-culottes.

 

7 A.D. Ain 2L non classé.

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