2.66 L'absolutisme thermidorien

La tension politique générée par les décrets parisiens dans l'Ain est telle que tout le département, en émoi, est livré à l’esprit de vengeance ; lorsque la municipalité de St Jean le Vieux enregistre la loi du 5 ventôse an III, qui met sous surveillance les membres des autorités constituées destitués depuis le 10 thermidor an II, elle exacerbe ce désir de vengeance jusque là inconnu dans la commune : “considérant qu’ils avaient tellement comprimé par les menaces et la terreur les bons citoyens...qu’ils étaient jacobins...et membres d’une société populaire frappée d’anathème par le digne représentant Boisset...qu’il est notoire qu’ils ont regretté le règne de Robespierre et manifesté leur mépris pour le représentant Boisset”¹. Cet esprit vengeur supplante la vague de tolérance qui vient de Paris. L'exemple des terroristes de St Rambert en est la parfaite illustration.

Le 26 ventôse an III, un nouvel arrêté le Comité de Sûreté Générale libère Tenand, Trocu Malix, Antoine Juvanon et Juvanon oncle de Saint-Rambert, détenus à Bourg. En recevant l'arrêté, la municipalité de Bourg fait preuve de mauvaise volonté et prétexte, pour ne pas les libérer, que l'exécution de l'arrêté ne relève pas de son ressort : "il faudrait que cet arrêté eut été adressé à la municipalité, ou par ce comité ou par le district de Bourg"² et le renvoie au district. Les autorités constituées de Bourg refusent de libérer les sans-culottes de St Rambert car “on avait surpris la religion des membres”³ du Comité de Sûreté Générale. De plus, elles refusent d'appliquer l'arrêté du 26 ventôse, car il n'y est pas fait mention de l’arrêté de Boisset du 10 brumaire an III, et, pour finir, elles refusent de se soumettre à un arrêté du Comité de Sûreté Générale qui n’est pas un original mais un extrait. La mauvaise foi et la haine des autorités burgiennes les poussent à dénigrer les pouvoirs du Comité de Sûreté Générale au profit de ceux de Boisset, réinstaurant à Bourg un nouvel esprit fédéraliste par le refus d'obéir aux actes de Paris. Ne comprenant pas pourquoi son mari est toujours détenu, la femme Trocu Malix fait plusieurs voyages entre St Rambert, où les autorités lui affirment qu’elles ont bien envoyé à Bourg l’extrait de l’arrêté du Comité de Sûreté Générale, et le chef lieu du département. Là, éconduite, elle assiste en compagnie des femmes d'autres prisonniers à des manifestations de haine populaire contre les terroristes détenus qui sont insultés “au point qu’on leur jette de la boue à la figure”⁴. Toutefois, la municipalité de Bourg demande l'avis à celle de St Rambert qui, soutenu par son district le 10 germinal, lui demande d'exécuter immédiatement l’arrêté du Comité de Sûreté Générale, lui rappelant "qu'il n'est ni dans son pouvoir ni dans sa volonté d'apporter le moindre obstacle à un arrêté du Comité de Sûreté Générale dont l'autorité émane de la Convention même"⁵. Le 13, la municipalité de Bourg décide d'obtempérer. Choquée par les agitations bressanes, la femme Trocu Malix informe le 17 germinal le Comité de Sûreté Générale des conditions politiques de la ville de Bourg : “ ce n’est que passion, haine et vengeance…Il me reste à vous dire qu’à Bourg on a l’audace de dire qu’il faut tous les égorger ”⁶. Le lendemain, la Convention prend un décret qui renvoie les sans-culottes détenus à Bourg devant les juges de paix de leur canton. Encore une fois, les thermidoriens font la sourde oreille d’autant plus que le 15 germinal, le comité révolutionnaire du district de Lyon répand l'alarme dans l'Ain en annonçant au directoire du département que des malveillants sortis de Lyon, où ils exerçaient des fonctions publics, parcours le département,

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury