nivôse an III : l'aubaine contre-révolutionnaire

2.65 : l'aubaine contre-révolutionnaire

 

Avec la réaction thermidorienne, la surveillance contre les ennemis de la République se relâche dans le département de l'Ain, ce qui permet à des prêtres réfractaires, où leurs émissaires suisses1, de sillonner à leur aise le département2 à l'exemple de Jean Baptiste Guérin qui, remis en liberté et muni d'un certificat de résidence de la municipalité de Bourg le 11 nivôse an III, part en mission en compagnie d'autres prêtres et bénéficie d'un réseau d'hôtes fortement organisé3 même jusqu'à Bourg4. Il peut même tenir des registres de catholicité en bonne et due forme. Ces missions, profitant de la réaction messidorienne, sont organisées par "Linsolas, dont Ruivet n'était que l'exécutant, qui ont organisé et entretenu la vie catholique de 1792 à 1803 "5. Sur 734 missions effectuées entre 1793 et 1798 dans les communes de l'Ain, 24,38% de ces missions sont effectuées en 1795 alors que celles dangereusement effectuées en 1793 et 1794 ne sont que de 9,40%. La réaction messidorienne départementale remet le pied à l'étrier de la religion catholique.

De leur côté, les royalistes s’organisent avec Imbert-Colomès et Précy, membres de l’agence de Souabe favorable à Louis XVIII. Cette agence, aidée par Wickham de Suisse, vise à fomenter l’agitation dans le Sud-Ouest et l’Est de la France. L’Agence de Paris ou la Manufacture, à laquelle collabore un dénommé Joseph Vincent 6, “ est tiraillée entre le Roi et son frère7. Elle dispose de tout un réseau de conspirateurs de plus ou moins grande envergure, elle échange des lettres, de l’argent, des informations et diffuse des nouvelles royalistes. En effet, “l’abrogation de tous les décrets de sang encourage les Lyonnais à demander des réparations et à dénoncer les terroristes. La vengeance est orchestrée par un journaliste, Pelzin, relayée par les réfractaires et les aristocrates revenus d’émigration et porteurs de faux assignats ; elle est accomplie par les déserteurs. L’agent anglais Wickham établit dans la ville, depuis la Suisse, une agence de propagande qui recrute des contre-révolutionnaires actifs (Imbert-Colomès. . .), préparant une nouvelle insurrection avec Précy8. Ce deuxième front intérieur, soutenu par l’argent anglais de Wickham et en coordination avec l’Agence de Paris, a pour dessein une insurrection à Lyon et en Franche-Comté, d’autant plus que « tous m’écrivent que Lyon est plus royaliste que jamais ; tous les honnêtes gens y sont armés »9. Imbert-Colomès voie Lyon comme la place d’où il doit tirer les ficelles de cette tentative : « j’y serai de la plus grande utilité à la bonne cause par l’influence que j’ai toujours eue et que j’ai conservé sur l’opinion des lyonnais »10.

Département médian, l’Ain de l’an III devient le relais de poste entre la Suisse, Paris, Lyon, le Midi et le Comité Secret du Club de Clichy dans lequel se trouve Imbert-Colomès, qui met en place un réseau de correspondance et “qui mêle renseignements et trafic d’influence. . .Ces réseaux tiennent des partitions compliquées. . .liées avec des forces locales et régionales ainsi qu’avec des puissances étrangères et surtout l’Angleterre ”11.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 

1 "Les émissaires des prêtres déportés sont des vitriers suisses qui..colportent leurs lettres, écrits, ect…". Lettre du commissaire du puvoir exécutif du département de l'Ain l'adminitration municipale du canton de Bâgé, 9 messidor an IV. A.D. Ain 12L 5.

2 CLAIR (Nicolas) : Parcours de trois prêtres réfractaires pendant la Révolution Française dans le département de l'Ain. Mémoire de maîtrise d'histoire, sous la direction de Bernard Hours, Université Jean Moulin Lyon III, 2002, 186 pages.

3 Il se fait héberger par la famille Dumolard, propriétaire du château de la Durandière à St Sorlin.

4 A Cerdon il est hébergé par Mlle Clerc, dont des membres de la familles ont été à la société populaire et au comité de surveillance. A Bourg, il est hébergé par Mlle Dumarché, dont la famille est propriétaire de la ferme des Planon.

5 Note de l'abbé Julliéron. A.D. Ain série J non classé. Dans l'Ain, en 1804, ces missions sont dirigées par l'abbé Grimaud, agent du Comité ecclésiastique de Lyon.

6 Natif de l’Ain, demeurant à Bourg. Il ne participe qu’à l’eléction des officiers municipaux de la ville le 17 novembre 1790, section du Palais. Membre de l’agence royaliste de Paris de 1791 à 1805 : “Joseph Vincent. . .was one of Wickham’s first emisssary to Paris” : SPARROW Elisabeth in Secret Service british agent in France, 1792-1815, Boydell Press, 1999.

7 MARTIN (Jean Clément) : Contre-révolution, Révolution et Nation en France, 1789-1799. Seuil, Paris, 1998, page 270.

8 MARTIN (Jean Clément) : Contre-révolution, Révolution et Nation en France, 1789-1799. Seuil, Paris, 1998, page 270.

9 Lettre d’Imbert-Colomès à mr de Zouboff, prairial an 3 in Papiers saisis à Bayreuth et à Mende, département de la Lozère. An X.

10 Lettre d’Imbert-Colomès à mr de Zouboff, prairial an 3 in Papiers saisis à Bayreuth et à Mende, département de la Lozère. An X.

 

11 MARTIN (Jean Clément) : Contre-révolution, Révolution et Nation en France, 1789-1799. Seuil, Paris, 1998, page 270.

Écrire commentaire

Commentaires: 0