germinal an II : troubles chez les sans-culottes de l'Ain

2.55 : Qui sème le vent récolte la tempête

 

            Malgré la satisfaction du travail bien fait, Convers est dénoncé anonymement, le 14 germinal, à la société de Bourg, suite à sa mission avec Vauquoy dans les districts de Pont-de-Vaux et Châtillon-sur-Chalaronne, comme un patriote hypocrite, tandis que Vauquoy est accusé d'être un débauché crapuleux. Immédiatement, Convers pense que les auteurs sont Blanc-Désisles et Juvanon. Sans autres preuves que sa conviction, il les traite de scélérats et de fourbes publiquement lors de la séance de la société populaire. Juvanon absent, seul Blanc-Désisles réplique, ce qui donne lieu à de grands débats. De son côté, Rollet-Marat se plaint, le 15 germinal, de la déconsidération dont il est victime de la part de la municipalité au représentant Albitte. Désespérément seul, Rollet-Marat n'a cesse de réclamer son retour, durant le mois de germinal. Le 15 au soir, à l'issue de la séance de la société populaire, Convers est exclu de la société des sans culottes de Bourg. Ce nouvel acte divise encore plus la sans-culotterie et permet aux modérés de relever la tête, d’autant plus qu’Albitte ne songe pas à reparaître à Bourg malgré les relances de Rollet-Marat.

Le 18 et le 19 germinal, les districts de Belley et de Gex félicitent la Convention de l’arrestation d’Hébert. Cette dernière pousse le conseil général de Châtillon-sur-Chalaronne à proposer des libérations, à Ambérieu la société populaire adresse une lettre de félicitations à la Convention. Des pamphlets et des écrits contre les sans-culottes sont répandus à Bourg. Une lettre anonyme "où les ennemis de la République donnent aux meilleurs sans-culottes des épithètes qui ne conviennent qu'à eux"[1] est adressée à Rollet-Marat. Gallien, son substitut, réclame à son tour le retour d'Albitte, imaginant que sa présence apaiserait la situation. De la capitale, Merlino met en garde Blanc-Désisles. Il lui fait part des propos liberticides de certains sans-culottes influencés par les commissaires civils : "l'on vient d'envoyer des détails de quelque unes de vos séances où l'on trouva des motions bien condamnables, je ne prononce pas sur ceux qui les ont faites, je sais que malheureusement des étrangers envoyés, je le sais, à dessein, ont eu trop d'influence parmi vous pour ne pas égarer des esprits bons"[2]. La référence à Dorfeuille, ami des hommes de la Commune de Paris, est précise.

            Alors que Vauquoy est arrêté sur ordre du Comité de Salut Public, le 19 germinal, le tribunal du district de Bourg dresse un procès verbal de l'ouverture de son courrier, faite le 18, à destination du Comité de Salut Public. Inquiets du contenu du procès verbal, Alban[3] et Broccard, se rendent vêtus de leurs écharpes tricolores à la poste afin de l'intercepter. Ce sont deux lettres de Gauthier-Murnans, cachetées au timbre du département, que trouvent les deux sans-culottes ; l'une est adressée au Comité de Salut Public et l'autre à Gauthier des Orcières. Malgré l'arrestation de Reydellet, Gauthier-Murnans continue de correspondre avec son oncle à Paris[4] qui l’utilise contre les sans-culottes[5]. Devenu un danger pour les sans-culottes, Gauthier-Murnans est arrêté par ordre du comité de surveillance de Bourg, malgré sa libération ordonnée par Albitte sous la pression de Gauthier des Orcières. Ces événements burgiens ne troublent pourtant pas la quiétude révolutionnaire départementale ; à Pont-de-Veyle les membres du tribunal du district de Châtillon envoient des invitations pour plusieurs fêtes célébrées au temple de la Raison, dont celle du 14 juillet, de l’Etre Suprême, de l’abolition de l’esclavage et de la prise de Toulon.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1]Lettre de Rollet-Marat à Albitte du 19 germinal an II. Registre de correspondance du directoire du district de Bourg, A.D. Ain 4L non classé.

[2] Lettre de Merlino à Blanc-Désisles, 18 germinal an II. A.D. Ain série 13L 60.

[3] Alban décachète aussi une lettre adressée à l’administration du département.

[4]Voir DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution dans l'Ain. Tome 5, pages 14-17.

[5] “ Gauthier Murnand, l’ex général, émissaire du député pour perdre les patriotes, ne s’occupait qu’à les peindre comme des ennemis de Robespierre ”. A.C. Bourg I47 bis.

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