2.54 La chute d'Hébert : La mise en péril des sans-culottes

A Bourg, le 30 ventôse an II, la société populaire, par la voix de Juvanon, dénonce en bloc les députés de l'Ain sauf Jagot. Même Merlino, l'ami de Blanc-Désisles, fait partie des dénoncés à qui deux reproches sont faits, celui de ne pas écrire à la société et "d'avoir ranimé les espérances des intrigants et des fédéralistes"¹. Le comité de correspondance de la société est chargé d'envoyer une copie de la délibération de la société au Comité de Salut Public à Paris. Toute-fois Blanc-Désisles ne partage pas l'avis de ses collègues sur Merlino et le lui fait savoir le 3 germinal. Le 11 germinal, Merlino partage avec Blanc-Désisles son regret de se voir dénoncer par "un jeune homme peu réfléchi qui se laisse emporter par son excès de zèle"². Le conventionnel, tout en se défendant des attaques dont il est victime, sous-entend que celles-ci viennent de Jules Juvanon qui d'après lui "ferait mieux d'exercer sur les frontières où son âge, son devoir et son patriotisme l'appellent empressement "³.

Par lettre du 4 germinal an II, Pache instruit Alban de l'arrestation de Labaume, comte de Montrevel⁴. C'est une courte réjouissance pour le maire de Bourg, l’arrestation d'Hébert entraînant une accélération des événements politiques dans l’Ain. Le 5 germinal, Blanc-Désisles fait un discours dénonçant les faux patriotes. Il cherche à donner aux sans-culottes un nouveau mot d'ordre. Dans ce discours, l'orateur bressan semble prendre position pour le parti de la Commune de Paris, dans le jeu politique qui se joue entre elle et la Convention. Blanc-Désisles cherche à dénoncer les modérés encore en liberté et présents au sein des autorités constituées. Son discours, bien reçu par les membres de la société populaire de Bourg, est imprimé et envoyé dans les départements⁵. Toutefois l'ambiguïté de ses propos et sa démarche prudente, sans doute influencée par les conseils de Merlino, peut lui permettre de se rattacher au camp des vainqueurs quels qu'ils soient. Alors que des sociétaires, comme Juvanon ou Alban, subissent l'influence de Dorfeuille et des commissaires civils, une partie importante des sans-culottes commencent à se détacher du discours ultra révolutionnaire, peut-être conscients que le moment n’est plus celui qui a suivi la chute de Lyon. Ces néo-modérés, différents de ceux de juin 1793, précipiteront la perte des sans-culottes. Méfiants des dénonciations qui viendraient de cette opposition et travaillés par l'idée de sa conduite, la municipalité de Bourg décachète systématiquement, à partir du 5 germinal, tout le courrier en provenance ou en direction de Paris⁶, à Bourg, où à Pont-d'Ain. Le 10 germinal, suite à l'annonce de l'arrestation d'Hébert, Alban monte à la tribune de la société populaire de Bourg : "Citoyens, deux factions puissantes s'entrechoquent à Paris; le moment est critique; il faut que l'une écrase l'autre; serrons nous, et soyons sur nos gardes"⁷. De son côté, le directoire de département de l'Ain adresse à la Convention un message de félicitations pour la découverte du complot d'Hébert que Martine refuse de signer.

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II