ventôse an II : la poussée ultra-révolutionnaire dans l'Ain

2.49 LA POUSSEE ULTRAREVOLUTIONNAIRE

 

            Le 4 ventôse an II, alors qu'Hébert dénonce les Indulgents et les Endormeurs au club des Cordeliers, les membres du directoire du district de Bourg décident que toutes les voitures publiques ou privées, qui vont ou qui viennent de Lyon, seront désormais fouillées et que toutes les lettres et les papiers saisis sur les personnes circulant à bords de ces voitures devront être amenés au directoire du district [1]. Le 4 au soir, lors de la réunion de la société populaire, les patriotes semblent malgré tout savourer leur triomphe sur les modérés. Dans une adresse rédigée à la Convention Nationale, ils glorifient la présence d'Albitte dans l'Ain : "Le nom d'Albitte sera éternellement gravé dans le cœur des citoyens de ce département, à qui la République est chère" [2]. Cette adresse portant 155 signatures, glorifie aussi son travail et dénigre (une fois de plus) le passage de Gouly : "combien de Gouly eussiez-vous envoyés avant de produire ces heureux résultats, fruits d'un séjour pendant un mois, du représentant Albitte ?"[3]. A la société des sans-culottes de Bourg, les discours des ténors sont "applaudis par le reste de la société dont ils entraînent les suffrages" [4] tandis qu'Alban et Dorfeuille dévoilent publiquement à la société populaire de Bourg et au Temple de la Raison, leurs correspondances avec le club des Cordeliers et la Commune de Paris. Alban, se fait un honneur de déclarer "qu'il venait de recevoir  une lettre de son ami Pache, maire de Paris, par laquelle il lui annonçait qu'il avait rempli ses vues en faisant arrêter le scélérat la Baume-Montrevel"[5]. Le 5 ventôse, la société des sans-culottes de Bourg inaugure au nouveau local. Il est alors fait lecture d’une lettre des sans-culottes de Mâcon les mettant en garde contre “un nouveau système de modérantisme qui voudrait s’établir[6].

L'Ain glisse doucement dans un ultrarévolutionnarisme à la parisienne en opposition à sa députation alors que dans toute la région la clémence et l'indulgence jacobine est à l'ordre du jour. Cette poussée, hors une idéologie réorganisée, est visible par les nouvelles cibles de la sans-culotterie.

 

Les prisons

 

Le 5 ventôse, Rollet-Marat fait transférer les prêtres non-abdicataires de la prison des Claristes à celle de Bicêtre car malgré un arrêté d'Albitte sur la surveillance des prisons, ces dernières restent difficiles à gérer. Après le mois de pluviôse qui voit un regain d'attention autour des détenus, les mois de ventôse et de germinal marquent un relâchement notamment à Ambronay. Le 10 ventôse, le comité de surveillance d'Ambronay, demande à ce que les hommes de la Garde Nationale chargés de surveiller la prison soient plus vigilants et empêchent les prisonniers de communiquer par le portail. Le 20 ventôse, malgré ces exhortations à la vigilance, les membres du comité de surveillance du Petit Abergement préviennent leurs collègues d'Ambronay qu'une lettre a filtré. Durant cette journée, un membre du comité de surveillance d'Ambronay de garde à la prison voit même un détenu sortir pour à son domicile ramener une malle, le factionnaire étant absent de son poste. Le 9 germinal, un soldat de la garde nationale d'Ambronay prévient les membres du comité de surveillance que des prisonniers soudoient les sentinelles pour introduire des personnes dans la prison. Le 14 germinal, l'agent national du district de Montferme dénonce le détenu Divoley pour avoir voulu corrompre le volontaire François Miguard alors en faction à la prison d'Ambronay. L'ingéniosité des détenus ne s'arrête pas là. Le 26 germinal, Divoley et un autre détenu, que des gendarmes viennent chercher, manquent à l'appel, ces derniers se sont tout simplement cachés dans la prison. A Belley par contre, fin ventôse, le citoyen Anthelme Montjouven est incarcéré pour avoir facilité la communication avec les détenus. A Bourg, des personnes réussissent à faire passer de l'encre et des feuilles aux détenus de la prison des Claristes par le trou de la grille qui ferme le chœur de l'église de la prison. Certains détenus peuvent communiquer grâce à la complicité de certains officiers municipaux qui se laissent corrompre ou acheter : le 23 messidor an II, Broccard, membre du comité de surveillance de Bourg, se plaint de la conduite de l'officier municipal Galand, qui fait sortir des prisonniers des Claristes pour des balades. Beaucoup de détenus gardent nombre de contacts avec l'extérieur ; la crainte de voir les captifs préparer une vengeance exacerbe la vigilance des sans-culottes[7].

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 



[1] DUBOIS (Eugène) : Histoire de la révolution dans l'Ain. Tome, Paris, 4 page 268.

[2]Adresse de la Société des sans-culottes de Bourg à le Convention nationale, du 4 ventôse an II, citée par DUBOIS (Eugène) : la Société populaire. . ., page 53.

[3]Adresse faite par la Société des sans-culottes de Bourg Régénéré à la Convention Nationale citée par DUBOIS (Eugène) : la Société populaire. . ., page 55.

[4]Cahier de dénonciation, page 47. A.D. Ain ancien L219.

[5]Témoignage de Marie Charles Joseph Beffroy, garde magasin du timbre du département de l'Ain. Cahier de dénonciation, A.D. Ain 15L 131. Dans les scellés de Blanc-Désisles, le 18 fructidor an II, plusieurs lettres de Pache pour Alban sont découvertes. A.D. Ain ancien 2L 56

[6] Registre de délibérations de la société des sans-culottes de Bourg, A.D. Ain 13L 8 à 10.

[7] "Désisles a dit très souvent à Convers, que les détenus mettaient un grand obstacle à la marche révolutionnaire, qu'il s'était proposé que tant qu'ils existeraient, ils intrigueraient et chercheraient à perdre la République, qu'il faudrait que la convention adopta une mesure générale pour s'en débarrasser ". Déclaration de Convers. A.D. Ain ancien L219. De même Rollet-Marat montre sont inquiétude de voir "les détenus dans la maison des cy-devants Claristes lèvent la tête; il m'a été rapporté qu'ils tenaient des propos très inciviques, qu'ils avaient formé parmi eux une société populaire, un conseil général de Commune, un district, un tribunal révolutionnaire ". Lettre de Rollet-Marat à Albitte du 15 germinal an II. A.D. Ain 1L 225.

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