ventôse an II : la modération de la députation de l'Ain

2.48 Le refus de la modération des députés de l’Ain et l’épuration de la Convention

 

A Paris, Merle, informé de la promulgation du décret, annonce aux sans-culottes de Bourg que la députation de l'Ain en est à l'origine :  "Je n'ai vu et ne veux voir aucun de nos députés avant que les affaires dont je suis chargé ne soient finies, comme ils n'ont pas la confiance des sans-culottes de Bourg, ils n'ont pas conséquemment la mienne. Dorfeuille a vu hier soir Gauthier qui l'a invité à venir dîner chez lui et m'a engagé à le suivre aujourd'hui décadi, j'ai brusquement refusé. J'ai vu Reverchon qui m'a assuré que le décret qui défend au tribunal révolutionnaire de Lyon (sic) de juger l'affaire de nos fédéralistes avait été fortement sollicité par notre députation, il faut avouer que cette députation est éprise d'une belle énergie pour tout ce qui n'est pas dans le sens de la Montagne "[1]. Dès lors, Dorfeuille et Merle se font de plus en plus offensifs vis-à-vis de Gouly, Gauthier des Orcières, Deydier et Ferrand, qu'ils soupçonnent d'être les appuis des fédéralistes en fuite. Les deux hommes n'agissent plus désormais au nom du représentant dans l'Ain mais en celui des patriotes des sociétés populaires dont ils communiquent les griefs contre Gouly aux sociétés populaires de Paris.

Le 2 ventôse, un courrier extraordinaire apporte à Bourg et à Belley le décret du 28 pluviôse. Informés de la teneur du décret, les sans-culottes sont réservés quant à ces conséquences : "Nous venons de recevoir par un courrier extraordinaire le décret relatif aux scélérats qui sont dans le cas d'être jugés par la Commission de Lyon. Ce décret nous a causé autant de surprise et d'étonnement que tu en éprouveras à sa lecture. Nous ne doutons pas qu'il ne soit le résultat et le fait d'intrigues, et des trames odieuses ourdies par quelques malveillants, coupables eux-mêmes et qui ont voulu soustraire au glaive vengeur leurs complices, fauteurs ou adhérents. Devons-nous donner l'authenticité convenable à ce décret, en le livrant à l'impression, ou nous borner à en faire adresser copie à chaque district ? Nous attendons ta réponse, qui sera la règle invariable de notre conduite "[2]. Cet événement les amène à s'attaquer à la députation de l'Ain quelques jours après un discours de Momoro, le 24 pluviôse, aux Cordeliers contre les Jacobins de Paris et Robespierre. Désormais les séances des sociétés populaires de Bourg et de Belley sont rythmées par les dénonciations contre les députés Ferrand, Gauthier des Orcières, Gouly, Deydier et Merlino[3]. Jagot, pour lors membre du Comité de Sûreté Générale, qui est un appui des sans-culottes de l'Ain à Paris, est épargné. Ces attaques, liées à l'absence d'Albitte, amènent les sans-culottes à modifier leur politique et épouser, d’une certaine manière, les idées d'Hébert sur les prisons et la Convention. L'arrivée de ce décret sauve la tête de quelques fédéralistes belleysans que Masse, Torombert, ou Carrier auraient bien voulu voir tomber. Dès lors une haine méfiante à l'égard des détenus se fait sentir ; Courenq, membre du comité de surveillance de Bourg, émet le désir de faire manger de l’herbe aux détenus de Brou[4]. L'ouverture du courrier suspect s'intensifie à la poste de Bourg et s'étend à toutes correspondances avec des autorités constituées : "Les membres du comité aux officiers municipaux de Bourg. Le comité jaloux de faire son devoir et désirant s'aboucher (sic) avec la commune pour l'ouverture des paquets venant de la poste, vous demande de vouloir bien vous réunir à nous et indiquer un de vos membres pour aller à la poste, qui conjointement avec un des nôtres, se trouvera à l'ouverture des paquets avec d'autant plus de raison que depuis quelque temps nous ne recevons aucune correspondance et que nous en ignorons les motifs"[5].

Après les modérés et Gouly, les sans-culottes cherchent à atteindre leurs nouveaux oppresseurs susceptibles de contrecarrer leur pouvoir : la députation de l'Ain et les députés modérés, en s'appuyant sur le réseau sociétaire et les correspondances et relations parisiennes de Blanc-Désisles et Dorfeuille.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 



[1] Lettre de Merle, A.D. Ain 13L 60.

[2] Lettre des administrateurs du département à Albitte, 2 ventôse an II. 18J 7.

[3] Ce dernier est très affligé par ces dénonciations mais ne ce culpabilise pas pour autant.

[4]Témoignage de Marie-Claudine Lussy, femme du concierge de la maison d'arrêt de Brou. Cahier de dénonciation, A.D. Ain ancien L219.

[5] Registre de correspondance du comité de surveillance de la commune de Bourg. A.D. Ain 14L 16.

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