pluviôse an II : accroissement de la pression révolutionnaire

2.46 Accroissement de la pression révolutionnaire

 

            A Paris, Gouly, qui a été dénoncé aux Jacobins par Dorfeuille lors d'un scrutin épuratoire au début du mois de pluviôse, demande le soutien du Comité de Salut Public, le 24, pour ne pas être exclu des Jacobins, ce qui signifierait peut-être sa mise en état d'arrestation[1]. Les incessantes dénonciations dont il est victime des sans-culottes de l'Ain l'affectent : "la Convention Nationale et le Comité de Salut Public paraissent n'avoir pas donné de créance à toutes ces calomnies, cependant elles ont faites quelque impression sur nombre de mes collègues intègres jacobins, c'est ce qui ma affligé et m'afflige encore" [2]. Forcé de revenir à Paris sur ordre du Comité de Salut Public[3], il n'a de cesse de se justifier jusqu'à ce qu'il décide d'agir contre ses dénonciateurs.

Dans l’Ain, l'exécution des modérés à Lyon donne l'illusion du pouvoir total aux sans-culottes. Le 27 pluviôse, la société des sans-culottes de Bourg adopte une nouvelle adresse à l’attention de la Convention Nationale afin de dénoncer une vague de modérantisme et de contre révolution touchant l’Ain mais aussi Nîmes et l'Ardèche. Les sans-culottes font une fois de plus le tableau de la crise fédéraliste de l’Ain en n’oubliant pas d’y intégrer “l’oppresseur (et)... le parjure [4] Gouly. L'exécution des modérés relance la chasse aux fédéralistes. Le 29 pluviôse, Blanc-Désisles, informé du mandat d'arrêt lancé par le Comité de Sûreté Générale contre les fédéralistes de l'Ain en fuite, annonce à Rollet-Marat qu'Albitte lui envoie  "un extrait de l'arrêté du Comité de Sûreté Générale et l'invite à prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre les citoyens qui y sont désignés en cas qu'ils paraissent dans le district de Bourg ou dans les districts environnants auxquels il aura soin d'en écrire et d'en envoyer extraits" [5]. Le lendemain à Paris, Dorfeuille et Merle sont reçus à l'Hôtel de Ville afin d'obtenir l'arrestation des sept fédéralistes fuyards. Le soir, Merle écrit à ses collègues de Bourg : "Je m'occupe de nos affaires sans relâche, je n'ai pas pu découvrir encore aucun de nos gens suspects. Le Maire m'a dit qu'il avait déjà des notes sur leur compte, mais qu'il faudrait savoir à peu près quels sont les lieux et les maisons qu'ils fréquentent le plus souvent afin qu'il put les faire guetter, . . . Quant à Morel on a dû faire perquisition de sa personne chez Deydier, le maire me l'a promis"[6]. Malgré toutes ces recherches, les démarches restent infructueuses.

Dans l'Ain, les sans-culottes, vainqueurs politiques du moment commencent à contrôler quotidiennement le courrier au départ ou à l’arrivée de la poste et particulièrement celui adressé à la députation de l'Ain et entre-autre à Gauthier des Orcières. Tous les jours, un membre de la municipalité de Bourg accompagné d'un membre du comité de surveillance se rend à la poste vérifier le courrier : "Citoyen, occupé jour et nuit par le salut de la République avec Albitte représentant du peuple, je t'enverrai le double du p.v ou une décharge ; Albitte a fait partir la lettre chargée et les autres à leur destination, tu peux être tranquille, mais par ordre d'Albitte arrête toutes les lettres que l'on mettra à ton bureau pour Paris, aux députés et autres suspects, alors tu auras la confiance du représentant et tu seras un bon sans-culotte. Signé Alban maire, le 25 pluviôse an II" [7]. Des recherches similaires ont lieu à Pont d'Ain. La visite de la poste de Pont d'Ain par Alban, Lajolais et Rollet-Marat se fait avec une certaine violence de la part de ce dernier, qui après quelques injonctions, se fait remettre le courrier[8].

Dans le reste du département est révolutionné par les sans-culottes, aidés des commissaires civils. A Trévoux, où ils arrivent le 26, Millet et Bonnerot, après s’être rendu au directoire du district et au club pour faire enregistrer leur commission, reçoivent l'aide de deux commissaire nommés par les sans-culottes “pour les éclairer dans la marche qu’ils doivent tenir dans une pareille circonstance[9]. A Belley, Baron-Chalier fait un discours destiné aux habitants des campagnes pour leur expliquer le Gouvernement Révolutionnaire et les mesures prises notamment contre les possédants. Afin d'être largement distribué, il est imprimé à 3000 exemplaires.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1]Lettre de Gouly au C.S.P. A.N. AF II. 154.

[2] Lettre de Gouly à la citoyenne Gaudot, 25 pluviôse an II. Collection de l'auteur.

[3] "Je pars dans trois jours pour Paris où je suis rappelé par suite de calomnies". Lettre de Gouly à la citoyenne Gaudot, 2 ventôse an II. Collection de l'auteur.

[4] Adresse faite par la société des sans-culottes de Bourg Régénéré à la Convention Nationale. Collection de l'auteur.

[5]Lettre de Blanc-Désisles à Rollet-Marat, du 29 pluviôse an II. A.D. Ain 13L 60.

[6]Lettre de Merle du 30 pluviôse an II. A.D. Ain 13L 60.

[7]Témoignage du citoyen Guillemot, cahier de témoignage C, A.D. Ain ancien L219.

[8] Les lettres enlevées à la poste de Pont d'Ain et de Bourg, sont retrouvées dans le portefeuille d'Alban, le 18 fructidor an II lors de la levée des scellés sur les papiers de Blanc-Désisles. Il s'agit de lettres adressées à Gauthier des Orcières et à la députation de l'Ain à Paris.

[9] Registre de la société des sans-culottes de Trévoux. VALENTIN SMITH : Bibliothéca Dombésis.

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