pluviôse an II : la décade noire

2.42 La décade noire

 

            En exécution des arrêtés d'Albitte des 11 et 13 pluviôse an II, qui redonnent l'occasion aux sans-culottes de remettre en prison les fédéralistes, les journées du 15 et du 16 pluviôse an II, se transforment, pour les citoyens compris dans ces arrêtés, en de sombres journées. Durant la journée du 15 pluviôse, Alban, Blanc-Désisles, Pelé, accompagnés des citoyens Bon, Beau, Faguet, Rigaud, en présence du général Lajollais et d'Albitte[1], Châtelain concierge, Cochet[2] et Cardon ouvrent les portes du château de Challes, appartenant au comte de Montrevel, pour perquisitionner et mettre sous scellés les biens les plus précieux. Lorsqu'ils pénètrent dans la chambre occupée par Cochet, Papillon s'évanouit. Comme avec les détenus, une recherche méthodique des matières précieuses est effectuée ; c'est ainsi que la municipalité récupère l'argenterie de la Baume Montrevel avec, entre autres un cachet en argent aux armes du gentilhomme. Blanc-Désisles, en retournant un tas de foin, met la main sur les titres de la famille la Baume Montrevel. Le lendemain, les officiers municipaux accompagnés de Vauquoy, continuent à perquisitionner au château de Challes. Ils trouvent 99 pièces d'argent à l'effigie de Louis XVI, un sabre, des pistolets d'arçons et des fusils de chasse appartenant au Comte. Pendant ce temps, les détenus qui se trouvent dans la maison Bachet sont conduits aux Claristes et à la Charité. Rollet-Marat donne l'ordre à Giriat, commandant de la garde nationale, d'arrêter et de conduire aux Claristes Brangier ex-secrétaire du département, Buget ex-procureur syndic, Gadiolet notable, Mathieu huissier, Vaulpré médecin, Bonnardel marchand, Gaillard conseiller, Puthod homme de loi, Morel homme de loi et Midan directeur de la poste. Il invite les officiers municipaux de Ceyzériat à faire arrêter le citoyen Perrot, ci-devant conseiller. De semblables arrestations ont lieu dans tout le département. A Châtillon-sur-Chalaronne, 9 personnes sont incarcérées. Sur ordre de Rollet-Marat et de la municipalité de Bourg, la garde nationale de la ville conduit, le 16 pluviôse, une dizaine de religieuses et de chanoinesses détenues dans les maisons Rollet-Marat, Bolozon, la Teyssonnière, Guillod, Falconnet, Hurville, Philipon, Bernard, Reydellet et Marion Rollet, dans la maison de détention de la Charité [3]. A Belley, Baron-Chalier charge le citoyen Palmicy de faire arrêter 28 personnes, dont 11 ci-devants. Dans le département, ces arrestations continuent les jours suivant, les 18 (5 arrestations), 19 (2 arrestations), 20 (2 arrestations), 23 (1 arrestation), et 25 pluviôse (2 arrestations). Les personnes ne pouvant rester en prison pour des raisons de santé sont enfermées chez elles sous la surveillance d'un factionnaire. Ces arrestations sont accompagnées de violences verbales inhérentes au comportement débridé des périodes troublées. Ainsi Ravet traite le citoyen Unon de "gueux, de coquin, qu'il méritait la guillotine"[4] lorsqu'il l'arrête. La fièvre des arrestations pousse les sans-culottes à commettre des erreurs. Le 20 pluviôse an II, le maire de Bourg Alban mandate, au nom du représentant du peuple Albitte, le hussard Charles Hébert, du 1er régiment caserné à Pont d’Ain, pour arrêter deux suspects en partance de Bourg pour Pont d’Ain. Hébert se méprend et arrête le capitaine de la Garde Nationale de Versoix et un grenadier de la Garde Nationale de Ferney, qui ne sont libérés que le 25 par Rollet-Marat. Incarcéré à son tour, le hussard Charles Hébert n'est libéré que le 28 nivôse an III par arrêté du représentant du peuple Cassanyès.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1] Avec eux se trouvent Pillards, Renaud et Schimth,  hussards au 1er Régiment.

[2] Beau frère du concierge du château de Châlles, le chapelier Papillon de Villeurbanne, qui est aussi l'homme d'affaire du comte de Montrevel.

[3]A.D. Ain ancien 2L26.

[4]Cahier de dénonciation page 24, A.D. Ain ancien L219.

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