nivôse an II : la nomination d'Albitte dans l'Ain

2.36 La nomination d'Albitte

 

Afin d’assurer le ravitaillement de Lyon, les représentants du peuple envoient des commissaires nationaux dans le district de Gex et Vauquoy à Montluel. Arrivés dans l’Ain, ces hommes critiquent fortement l’action modérée de Gouly auprès Comité de Salut Public. A Lyon, le conventionnel Albitte qui ne se déplace pas à cause de son affection chronique de plus en plus douloureuse, demande au Comité de Salut Public à être nommé à l'Armée des Pyrénées où le climat, pense-t-il, serait plus propice à sa santé1. Le 14 nivôse, le Comité de Salut Public lui rappelle que le département de l’Ain est confié à sa vigilance. Il l’incite s'y rendre “toutes les fois que tu croiras utile de te déplacer, tu instruiras le Comité du lieu actuel de tes opérations2. Bien que gravement affecté physiquement et nerveusement3, le dieppois ne refuse pas cette tâche, mais il refuse d’agir dans un département où se trouve déjà un autre représentant en l’occurrence Gouly. La position délicate du département de l’Ain est claire pour Albitte qui dénonce cette anarchie géographique : “la mission des représentants du peuple, envoyés par le décret du 29 avril près l’Armée des Alpes, s’étend depuis l’Ain jusqu’au Var ; celle des représentants Reverchon, Javoques et Laporte est spécialement pour les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire et l’Ain. Enfin les représentants du peuple, Bernard et Bassal, sont envoyés pour le Doubs et l’Ain, en sorte que le même département de l’Ain se trouve soumis à trois autorités différentes4. Entre les mois d’octobre 1793 et janvier 1794, l’anarchie des pouvoirs des représentants en mission montre bien, de par la double fonction d’Albitte, représentant auprès de l’Armée des Alpes chargé du département de l’Ain, et de par les pouvoirs de Gouly dans l’Ain, les dissensions entre partisans de la Commune et élus provinciaux fidèles à la Convention, Gouly étant soutenu par Gauthier des Orcières, Albitte par Collot d’Herbois présent à Lyon jusqu'au 30 frimaire.

Le 16 nivôse, après s'être demandé s’il fallait arrêter Gouly, Fouché, Albitte et Laporte le dénoncent à Collot d’Herbois : “Gouly…exécute,...(un) plan rétrorévolutionnaire et liberticide . . . dans un département qui est confié à notre surveillance ”5. Cette contestation des pouvoirs de Gouly par les représentants à Lyon ne fait qu'entériner ceux du 29 avril 1793 qui nomment Albitte à l'Armée des Alpes et qui lui confient la surveillance des départements de l'Ain jusqu'au Var. Le désir d'Albitte de changer d'affectation, joint à la contestation des pouvoirs de Gouly et les dénonciations des sans-culottes de l'Ain, amènent le Comité de Salut Public à le nommer définitivement dans l'Ain6 le 9 nivôse, "en exécution de l'article 1er section 4éme du décret du 14 frimaire an II ... les représentants du peuple sont rigoureusement circonscrits dans les départements qui leur sont désignés"7. De ce fait, le Comité de Salut Public se monte favorable au pôle répressif Lyonnais dans le sud de la France. Le Comité, qui a toute confiance en lui, compte sur lui pour faire appliquer les lois du Gouvernement Révolutionnaire et le cas échéant, prendre les mesures adéquates. Ce dernier l'invite néanmoins à rester en relation constante avec ses collègues de Lyon, le subordonnant officieusement aux missions Lyonnaises.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

1“ Tu as paru désirer toi-même un changement de position et la destination que nous t’indiquons te conviendra d’autant mieux qu’il y aura moins de fatigue que dans celle des Pyrénées que tu nous indiquais, et que tu nous a dit que ta santé n’était point encore tout à fait rétablie ”. Lettre du Comité de Salut Public à Albitte, du 19 nivôse an II, écrite de la main de Robespierre, citée par DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution...Tome 4 page 142.

2 Lettre du Comité de Salut Public, 14 nivôse an II. A.N. AF II carton 84.

3 "on peut considérer qu'Albitte avait présenté diverses manifestations type névrose d'angoisse ". Lettre du docteur Lançon à l'auteur, 15 janvier 2003.

4 Lettre d’Albitte, vendémiaire an II, AF II carton 185.

5 Lettre des représentant à Lyon, 16 nivôse an II. A.N. AF II carton 37.

6“ Le Comité de Salut Public a pensé qu'avant de quitter le poste que tu occupes et de rentrer à la Convention, tu pourrais en visitant les départements du Mont Blanc et de l'Ain, y mettre en vigueur le gouvernement révolutionnaire ”. Extrait des registres du Comité de Salut Public de la Convention Nationale du 9iéme jour de nivôse l'an II. A.D. Ain série L.

 

7 Extrait des registres du Comité de Salut Public de la Convention Nationale du 9iéme jour de nivôse l'an II. A.D. Ain série L.

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