frimaire an II : la tentative de concorde des patriotes

La tentative de concorde

 

            Désirant appliquer le décret du 14 frimaire an II sur le Gouvernement Révolutionnaire, Gouly le fait réimprimer puis réunit les autorités constituées afin de les épurer des fédéralistes que comptent encore certaines d'entre elles. Ces mesures, nouvelles pour le département, entraîne une surenchère politique ; le 24 frimaire an II, Peysson administrateur fortement soupçonné de fédéralisme, attaque Blanc-Désisles à la société populaire et l'accuse devant le représentant d'être un fédéraliste et Convers, présent, traite son compagnon d'exil de scélérat. Avec de telles accusations, la confiance de Gouly envers Blanc-Désisles disparaît. Le soir même, à 22h, les sans-culottes, réunis chez Rollet-Marat, se promettent "mutuellement appui envers et contre tout" [1]. Ce serment les soude contre Gouly mais aussi contre toutes les attaques dont ils seraient désormais la cible, en faisant du cas individuel un cas commun. Peysson et Convers, présents chez Rollet-Marat, présentent leurs excuses à un Blanc-Désisles humilié. Suite à cette affaire, Gouly, après avoir menacé de dissoudre la société des sans-culottes de Bourg, y fait admettre des membres de l'ancienne société des Amis de la Constitution, pensant ainsi rétablir la concorde au sein de la population de la commune et de la société burgienne ce qui n'est qu'une grave erreur politique dont les sans-culottes vont pouvoir se servir pour lutter contre le représentant et obtenir son rappel. A cette action de Gouly, les membres sans-culottes du directoire du département démissionnent et sont remplacés par Baron-Chalier et Blanc-Désisles, que Gouly tient à éloigner de la municipalité. Bourg devient Bourg-Régénérée. Ce changement de poste du maire de Bourg est ressenti par les sans-culottes comme une destitution dirigée pour aider les "aristocrates"[2].

La venue de Gouly dans l’Ain marque bien une volonté régionale de modération, puisque le 25 frimaire, Bassal prend un arrêté qui licencie les 24 compagnies de force révolutionnaire qu'il a levées et suspend toutes les commissions et toutes les nominations qu'il a faites jusqu’à ce que la Convention prenne des décrets à ce sujet. De son côté, Gouly, le même jour, fait libérer et réintégrer à son poste, Bugey, le procureur-syndic-général du département de la crise fédéraliste. Avec ces arrêtés des deux représentants du peuple, les sans-culottes de l'Ain perdent toute la légitimité de leur action donc le fruit de leur politique. Après avoir réorganisé le comité de surveillance et le district de Bourg, Gouly, qui pense avoir ramené le calme dans la cité bressane, part le 27 frimaire pour Belley où il arrive le lendemain. Là aussi, le représentant et son entourage trouvent une situation politique tendue que la fuite du maire, Brillat-Savarin, n'arrange pas. Malgré des signes de réconciliation, la société des sans-culottes, soutenue par le comité de surveillance, et la société des Amis de la Constitution s'affrontent presque publiquement. Pour mettre fin à cette situation, Gouly ordonne, le 29 frimaire, l'arrestation "sans exception, (des)ci-devants nobles, (des)prêtres et (des) prêtres non mariés"[3] qu'il juge responsables des troubles. Cet arrêté est une innovation dans l'Ain, c'est la première fois qu'une politique d'arrestation globale des représentants d'un même ordre est mise en place, même si la municipalité de Bourg en avait plus ou moins tracée une frêle esquisse avec sa définition du terme de suspect en janvier 1793. Afin de ramener le calme à Belley, Gouly supprime la société des Amis de la Liberté et de l’Egalité séante au Temple, jugée trop fédéraliste, le 30 frimaire. Bien que modérant l'ardeur des sans-culottes les plus exaltés, Gouly marque l'Ain d'une nouvelle politique "anti-aristocratique" qu'aucun représentant en mission n'avaient instaurée jusque-là et, le 4 nivôse, après avoir réorganise le comité de surveillance, la municipalité et le district, Belley devient Belley Régénéré.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1] BARON CHALIER : Conduite du représentant Gouly dans les districts de Bourg et de Belley, 14 ventôse an II, cité par LEDUC (Ph) : Histoire de la Révolution dans l'Ain.

[2] "Gouly destitua Désisles de sa place de maire à Bourg où il était réellement utile, contenant les aristocrates et les fédéralistes avec vigueur et le place à celle d'administrateur au département où il devenait inutile". BARON CHALIER : Conduite du représentant Gouly dans les districts de Bourg et de Belley, 14 ventôse an II, cité par LEDUC (Ph) : Histoire de la Révolution dans l'Ain.

[3]Cité par DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . .. Tome 4 page 99

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