frimaire an II : nomination de Gouly

Nomination de Gouly

 

Les événements politiques locaux réglés, l’exécution des lois et des décrets peut entrer en application. A Belley, un accueil favorable est réservé à la levée d’une taxe révolutionnaire sur les riches par les représentants du peuple en mission à Lyon. Dès lors ce type de taxe devient la norme révolutionnaire dans la région, le 5 frimaire an II, Couthon et Maignet, en lève une de 120 000 livres sur les riches du Puy de Dôme. Le 18 frimaire, la société des sans-culottes de Bâgé fait porter les objets d’or et d’argent provenant des églises du canton à Mâcon auprès de Javogues. Dans le district de Trévoux, les administrateurs et les patriotes accueillent avec joie la déchristianisation. Le 24 frimaire, ils font imprimer une circulaire qu'ils envoient aux communes du district afin de stimuler l'ardeur révolutionnaire des municipalités. En effet, certaines d'entre elles n'appliquent pas correctement les lois du 13 qui déclare propriété nationale l'actif des fabriques et des fondations et du 23 brumaire, qui autorise les autorités constituées à recevoir les actes d'abdication des ecclésiastiques de tout culte1.

 

De Paris, Gauthier des Orcières, informé des tensions et des événements locaux, cherche à contrôler la situation départementale. Pour cela il réclame, le 28 brumaire, aux administrateurs du département de l’Ain tous les arrêtés pris par eux entre le 1er mai et le 1er août 1793. Dès les premières arrestations, les représentants de l'Ain à la Convention, sans doute avertis par leur famille, décident de modérer les ardeurs des sans-culottes en envoyant dans l'Ain et la Saône-et-Loire un homme plus tempéré. Gauthier des Orcières et Jagot proposent Gouly et Deydier est pressenti. Deydier refuse "à accepter une mission de cette importance dans le département qui l'a député…mais l'on pourrait mal interpréter mes intentions"2 et Gouly hésite. Absent de France depuis 25 ans et ne connaissant plus personne à Bourg, cette mission n'est pas au cœur de ses préoccupations qui sont toutes tournées vers ses biens dans les colonies mis à mal par le décret d'abolition d'esclavage du 16 pluviôse an II : "les infortunés ont des droits sacrés sur mon âme qui, par la perte que je viens de faire, sera souvent oppressée…tu n'ignores point le décret de la Convention sur les colonies françaises, ce décret m'enlève 600 000 livres, fruits de 26 ans de travaux"3. Toutefois il accepte et sur le rapport du Comité de Gouvernement, la Convention le nomme, par décret du 14 frimaire an II4, représentant dans l'Ain et la Saône-et-Loire. Il est "investi des pouvoirs attribués aux représentants du peuple près les armées. Il est chargé spécialement de prendre connaissance et de prononcer sur l'affaire qui a donné lieu au décret du 26 brumaire rendu sur la pétition du citoyen Siriat"5. Blanc-Désisles est rapidement informé par Gauthier des Orcières de l'arrivée de Gouly.

Gouly dans l’Ain est la personnalisation de l’instauration du Gouvernement Révolutionnaire, en décembre 1793, « véritablement un coup d’Etat accompli par la Convention à son profit en se réclamant directement du pouvoir constituant du peuple, en s’identifiant au peuple » à qui il confisque la valeur sanctionnatrice du pouvoirs électif pour instaurer une dictature souveraine. Ce coup d’Etat des Conventionnels se fait au détriment du militantisme et notamment celui des sans-culottes. Ces derniers ne peuvent alors que ressasser un ressentiment d’illégitimité de la Convention, créant un contentieux qui se règlera entre messidor et thermidor.

 

Le 17 frimaire an II, après la lecture d'une lettre des représentants Reverchon et Gauthier des Orcières sur l'illégalité du cumul des mandats entre les postes municipaux et le Comité Central de Surveillance, les sans-culottes de Bourg craignant la fin de leur main mise politique envoient Blanc-Désisles à Mâcon auprès de Javogues qui exerce une grande influence sur le département de l'Ain bien que qu'il n'y soit pas officiellement nommé. En effet, son arrêté du 6 frimaire an II donne une extension au décret de la Convention du 6 août 1793 sur les châteaux. Il ordonne la démolition des châteaux et maisons de luxe, avec répartition des matériaux aux municipalités pour aider les pauvres à se construire une maison. De même, le 10 frimaire an II, il nomme de sa propre autorité un commissaire afin de procéder à des arrestations dans l'Ain. Sous son impulsion, le courrier des gens suspects de Pont-de-Veyle est ouvert par le comité de surveillance. Dans tout le département de l'Ain, comme à Trévoux, Javogues est vu comme un bon représentant : “Javogues avait jeté des fondements de la liberté et de l’égalité dans les départements qu’il avait parcourus et qu’il espérait qu’un jour les patriotes trompés par les calomniateurs, lui rendraient justice et le vengeraient des atrocités que les contre-révolutionnaires s’empressent de toute part de lui prêtés6. Javogues s'arrogeant les droits de mission dans l'Ain, il est donc normal pour les patriotes de se rendre auprès de lui.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

1Directive des administrateurs du District de Trévoux aux municipalités de son arrondissement, 24 frimaire an II. 95J 6.

2 Lettre de Deydier à Alban, 18 nivôse an II. A.D. Ain 18J 7.

3 Lettre de Gouly à la citoyenne Gaudot de Gex, 25 pluviôse an II. Collection de l'auteur.

4 Il est signé par Rhome, Reverchon et Roger Ducos.

5Décrêt de la Convention Nationale du 14 frimaire an II.A.D. Ain série L.

 

6 Société des sans-culottes de Trévoux, 15 nivôse an II. Cité par VALENTIN SMITH : Bibliothéca Dombésis.

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