août 1793 : le coup d'état des sans-culottes aindinois

Le coup d'état des sans-culottes

 

Le 21 août 1793, Merle annonce à Blanc-Désisles, toujours à Paris, que le 20 "nous venons. . .d'organiser un club qui prend le titre de Société des sans-culottes Républicains"1. Elle compte lors de sa première réunion 32 sociétaires. La nouvelle société, dite des sans-culottes, siège à la salle de l'Arquebuse avoisinant immédiatement la salle des Spectacles où se tiennent les séances de la société des Amis de la Constitution. Le 13 septembre, Deydier est heureux d’apprendre par l'intermédiaire de Merle la création de la société des sans-culottes de Bourg. Toutefois, Merle est déçu de la correspondance qu’entretient Deydier avec certaines personnes de Bourg2, qui “contribuent à perdre l’opinion publique3 et notamment Duhamel bien qu’il ait été le “seul (qui a) montré du caractère dans la Révolution4. La société des sans-culottes, qui accueille dans son sein "beaucoup de citoyens vertueux mais à qui il manquait la lumière"5, choque par son recrutement populaire les modérés de la société des Amis de la Constitution. La société des sans-culottes ouvre une tribune libre aux hommes comme aux femmes. Ses membres sont des hommes, tous "frères ; ils sont tous membres de la même famille ; égaux en droits, devenus libres, ils sauront conserver la liberté et l'égalité ou mourir en les défendant"6. La société des sans-culottes parvient facilement, par son recrutement social plus large et par ses discours, à doubler rapidement le nombre de ses adhérents et à provoquer la fermeture de la société des Amis de la Constitution. En effet, cette dernière voit ses fonds s'amoindrir avec le nombre de ses membres et, le 17 septembre, elle cesse d'exister7. Dès lors la société des sans-culottes s'organise. Elle demande à Blanc-Désisles, encore à Paris, des journaux puis s'abonne au père Duchesne d'Hébert. Le 8 septembre, la société, par l'intermédiaire de Blanc-Désisles, demande à Merlino le prix d'un buste de Lepeletier. Quelque temps plus tard, les bustes de Marat et de Lepelletier ornent la salle des séances. A Paris, la création de la société est considérée comme une réussite : "Je me félicite avec vous de la réunion en société des sans-culottes de votre ville, cet établissement fera un bon effet "8, écrit Merlino. Les idées rapportées de Paris, par Blanc-Désisles et Convers, constituent une grande nouveauté pour le département, où les notables sont à quelques exceptions près, les mêmes que sous l'Ancien Régime. Lors des séances, on y fait "l'éloge d'Hébert, de Chaumette, et de Danton"9. Les orateurs s'attaquent aux autorités constituées, aux propriétaires, aux marchands, aux gens de loi, aux avoués, aux notaires10, ainsi qu'à tous ceux qui peuvent évoquer le fédéralisme. Leurs revendications sont celles des sectionnaires parisiens11. A Belley, où la crise fédéraliste constitue le point de départ idéologique de la révolution sociale, des discours similaires sont lus : "Assistons tous aux Assemblées primaires et communales. . .Si les patriotes assistent, les aristocrates ne paraîtront pas, . . . si les patriotes restent chez eux, tous les aristocrates assisteront et feront des choix à leur gré. . . Qui faut-il nommer ? Point de ces ci-devant nobles. . .point de gros bourgeois. . .point ou peu de ci-devant avocats ou procureurs. . .point de modérantiste. . .Citoyens, il nous faut, dans tous les postes, des sans-culottes d'effet et d'affection"12. Le 29 août, huit sans-culottes de Bourg et la compagnie des canonniers de la Garde Nationale, menés par Rollet-Marat, se rendent à Belley, où la société les accueille fraternellement. Ils promettent "de coopérer avec toute la société au bien de la République"13, puis ils sont reçus membres de la société. Le 1er septembre, Rollet-Marat, dans un discours à la société des sans-culottes de Belley, dénonce, comme il l’a fait à Châtillon et à Montluel, “ les dangers auxquels il avait échappé dans l’administration municipale par les cabales que les aristocrates de la ville de Bourg avaient formées contre lui ”14.

C'est un désir de révolution sociale, initié par la crise fédéraliste, que réclament désormais les sans-culottes, face à des administrations qui demeurent aux mains des anciens fédéralistes. Bourg devient rapidement, avec l’accord des autres villes, l’épicentre politique du département. Le 22 septembre, sur proposition de la société des sans-culottes de St Rambert la société des sans-culottes de Bourg est désignée comme “centre commun de correspondance. . .afin que chaque société puisse lui adresser le résultat de ses observations sur l’esprit public15. Le même jour, à Belley, la société des sans-culottes invite celle de St Rambert à envoyer, le 20 octobre, pour des mesures de sûreté générale, “deux membres de chaque société du département à la société sans culottique de Bourg16. A Bourg, “le plan de correspondance centrale présenté au club de Bourg y avait reçu beaucoup d’applaudissement ”17. De plus, les correspondances qu’entretiennent les sans-culottes avec divers acteurs de la vie politique leur apportent un soutien non négligeable. Juvanon est en correspondance avec le capitaine commandant les canonniers de l’Ain, en garnison à Gap, Fournier, qui est aussi un ami de Gallien. Merle est en correspondance avec Deydier, qui le considère comme un ami depuis 1792, et depuis 1793, Blanc-Désisles correspond régulièrement avec Deydier et Merlino. La correspondance de ces derniers avec l'Ain est alors très importante.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

1 Lettre de Merle à Blanc-Désisles, rue Richelieu, hôtel de Valois, du 21 août 1793. A.D. Ain 13L 60.

2 Il fait allusion à Févélas, secrétaire de Carra et de Gouly, à qui Deydier écrit le 17 nivôse an II.

3 Lettre de Deydier à Merle du 13 septembre 1793 A.D. Ain 13L 60.

4 Lettre de Deydier à Merle du 13 septembre 1793 A.D. Ain 13L 60.

5 Tableau analytique. . . , A.D. Ain 15L 131.

6Le premier registre de la société des sans-culottes de Bourg ayant disparu, l'historien ne peut donc pas connaître le règlement de la dite société. Mais heureusement, lors de sa visite à la société populaire de Châtillon en Dombes, le 23 octobre 1793, Rollet-Marat promet "de vous instruire des règlements de la Société des sans-culottes de Bourg ". Cité par DUBOIS (Eugène) : "La Société populaire des Amis de la Constitution de Chatillon-sur-Chalaronne" in Bulletin de la société des Naturalistes et des Archéologues de l'Ain, n°46, Bourg, 1932. Effectivement à la séance du 4 frimaire an II, la société adopte un nouveau règlement, on peut donc penser que ce dernier est très proche de celui de la société des sans-culottes de Bourg.

7Registre de délibérations de la société des Amis de la Constitution de Bourg, A.D. Ain 13L 8 à 10.

8 Lettre de Merlino à Blanc-Désisles, 16 septembre 1793.A.D. Ain 13L 60.

9Tableau analytique. . . , A.D. Ain 15L 131.

10Tableau analytique. . . , A.D. Ain 15L 131.

11 SOBOUL (A.) : Les sans-culottes. Seuil, Paris, 1968 réed. 1979.

12Voir DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . .Tome 3, page 346 à 350.

13 Registre de délibérations de la société populaire de Belley. A.C. Belley.

14 Registre de délibérations de la société populaire de Belley. A.C. Belley.

15 Registre de délibérations de la société populaire de Belley. A.C. Belley.

16 Registre de délibérations de la société populaire de Belley. A.C. Belley.

 

17Rapport de Juvanon sur les événements de Bourg. A.D. Ain série L.

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