août 1793 : le camp de Bourg

Le camp de Bourg : prix d’un écart politique

 

            Le prix de la rétractation de l'Ain, destiné à effacer son écart fédéraliste, est de devenir un magasin militaire pour les troupes assiégeant Lyon, Marseille, Toulon et celles positionnées sur les frontières ; les 16 000 à 18 000 hommes qui se dirigent sur Lyon cantonnent à Bourg et à Péronnas du 30 juillet au 6 août[1]. Ces troupes, outres des troupes de lignes sont aussi composées de 13 200 gardes nationaux requis par un arrêté des représentants, du 25 juillet. L'Ain doit fournir 1 200 hommes pris essentiellement dans les districts dombistes et bugistes. Avec la présence à Bourg, de [2], qui logent au château de Challes, l'autorité de l'administration départementale s'efface mais une résistance opiniâtre aux ordres des représentants se fait sentir de la part de la population burgienne[3]. Même si pour Gauthier le fédéralisme n’a pour but que “de rétablir la royauté[4], les deux représentants ne se lancent pas, au grand regret des sans-culottes, dans une politique de répression. Gauthier des Orcières cherche plutôt à couvrir ses collègues mouillés[5] dans le fédéralisme afin de ne pas promouvoir une élite sociale issue de la petite bourgeoisie qui remettrait en cause la distribution des pouvoirs et la place de la bourgeoisie de 1789 dans la vie politique départementale. Gauthier freine même ses collègues, les “trompant peut être...pour les empêcher de prendre des mesures à temps[6], jusqu'au 25 juillet où la nouvelle de la rétractation du département est envoyée à tous les districts du département. Pour ceux qui commencent à se définir comme sans-culottes, l’attitude de Gauthier est ambiguë : “Reverchon, au camp de Limonest devant Lyon, au commencement du mois de septembre dit à Juvanon qu’il avait de grands sujets de plaintes et de suspicion contre Gauthier, dont il attendait avec impatience et espoir le rappel [7] ; tandis que pour la Convention elle ne fait pas de doute : "jugé trop enclin à la clémence vis-à-vis des révoltés Lyonnais"[8], mais surtout bressans, il est décrété d'arrestation avec Dubois-Crancé et rappelé à Paris le 6 octobre. Son attitude lors du siège de Lyon le tiendra écarté de toute mission jusqu'en fructidor an II.

Le 9 août 1793, l'administration du département de l’Ain apprend le début des combats entre l’armée des Alpes et les rebelles Lyonnais. Elle demande au district de Montluel de la tenir informée. Dès le lendemain, le district de Montluel avise le département des combats du vendredi et du samedi ainsi que la réponse qu’ont reçue les émissaires des représentants du peuple envoyés auprès des Lyonnais : “si je reparaissais, ils me feraient brûler la cervelle, qu’alors un des représentants a dit : ils veulent donc sérieusement résister, et bien on se battra[9]. Le 16 août, Pagès se rend auprès des conventionnels au château de la Pape pour “l’établissement d’une correspondance directe entre les représentants et le directoire du département[10].

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1] Selon Riffaterre, la "division de Bourg" aurait rassemblé très exactement 7481 hommes.

[2] Partis de Grenoble le 31 juillet avec Kellermann, ils arrivent à Bourg le 3 aoû, où ils sont rejoint par Laporte et Javogues.

[3]Devant la réquisition faite à 84 gardes nationaux de Bourg de marcher sur Lyon, 43 échappent à la réquisition et 41 ne s'y soumettent que de force.

[4] Dossier de radiation de la liste des émigrés de Céard, A.D. Ain 2L.

[5] “ Gauthier est essentiellement ennemi de l’égalité...il tint à Dorfeuille au mois de ventôse dernier : voulez-vous que je m’en retourne chez moi pour y être simplement juge de paix ? ”. A.C.Bourg I47bis.

[6] A.C.Bourg I47bis.

[7] A.C.Bourg I47bis.

[8] BIARD (Michel) : Missionnaires de la République, les représentants du peuple en mission (1793-1795). C.T.H.S., Paris, 2002, 624 pages.

[9] Lettre du district de Montluel au département de l’Ain, 10 août 1793. A.D. Ain série L.

[10] Note de frais de Pagès, 2 septembre 1793. A.D. Ain 2L.

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