juillet 1793 : le revirement de l'Ain

Le revirement du département

 

            Durant la deuxième quinzaine de juillet, l'administration du département de l'Ain reçoit, par le biais du secrétariat du département de Saône-et-Loire, les procès verbaux de la Convention du 12 juillet 1793, déclarant Lyon hors la loi. Le 13 juillet, [1]. Ces lectures refroidissent l'ardeur fédéraliste des burgiens qui acceptent la nouvelle Constitution le 16 juillet. A Trévoux, la Constitution est acceptée le 14 juillet et à Belley, c'est avec plus d'enthousiasme qu’elle est ratifiée. Si l'acceptation de la Constitution de 1793 sonne le glas du fédéralisme dans l'Ain, elle met en évidence l'intérêt grandissant des gens de l'Ain pour la politique : 30 des 62 fédérés de l'Ain à Paris sont répertoriés comme activistes politiques dans l'Ain, 37% le sont dans un comité de surveillance et 70% dans une société populaire. Plus profondément, l'acceptation de la Constitution et le rôle de ces fédérés montrent bien l'engagement volontaire des citoyens de l'Ain dans le processus politique né de la Révolution, 34% de ces fédérés sont issus de la bourgeoisie, 14% sont attachés à l'artisanat, 7% au commerce et 14% au monde agricole. Mais l'acceptation de la constitution met surtout en évidence le caractère opportuniste du fédéralisme de l'Ain, 30% des fédérés de l'Ain à Paris, avalisant l'acceptation de la constitution ont eu des prises de position fédéralistes au mois de juin 1793 et 15% d'entre eux seront des thermidoriens. Toutefois, l'acceptation de la Constitution, outre le fait de permettre à la bourgeoisie jacobine de l'Ain d'essayer de faire oublier son écart fédéraliste, met en évidence le rôle politique grandissant du peuple dans la Révolution et surtout du Bugey puis de la Bresse comme lieux politiques démocratiques dans la géographie fédéraliste départementale d'alors[2].

Au courrier de Dubois-Crancé s'ajoute une lettre des représentants Delaporte et Reverchon du 17 juillet qui font part de leurs "inquiétudes sur la sûreté des convois passant par votre ville"[3] aux administrateurs de l'Ain. "Il est de votre honneur, autant que de votre devoir de faire cesser jusqu'à l'ombre de la méfiance"[4] préviennent-ils. Le lendemain, de Grenoble, c'est au tour de Dubois-Crancé, Nioche et Gauthier des Orcières d'exprimer leur déception de voir le département de l'Ain toujours s'entendre avec les Lyonnais[5]. Dans leur courrier, les représentants à l’armée des Alpes demandent au département de l’Ain un compte-rendu de la situation départementale et la sécurisation de la correspondance militaire entre Mâcon et Grenoble. Plus encore, ils s'enquièrent des motifs qui ont poussé au renouvellement de la municipalité de Bourg et, preuve de leur désaveu de la politique départementale, ils suspendent Jean-Marie Grumet de son poste au département. La menace d'une répression armée n'est plus fantomatique. L’administration du département de l’Ain cherche alors à jouer un nouveau rôle, celui d’intermédiaire entre les représentants et les Lyonnais. Pour cela, le département adjoint, le 18 juillet, à quatre commissaires du Doubs et du Jura, les citoyens Balleydier et Perret, afin d’amener les Lyonnais à reconnaître la Convention. Le 19 juillet, les représentants à Mâcon, qui ne connaissent pas la situation à Bourg, demandent au département de l’Ain “à prendre de suite toutes les mesures nécessaires pour augmenter cette force dans le cas où. . .les Lyonnais sont effectivement en marche[6]. Alors que Tardy[7] est envoyé auprès du département de l’Isère le 20 juillet, les commissaires de l’Ain, du Doubs et du Jura arrivent à Lyon. La crise fédéraliste de l’Ain s'éteint dans la peur justifiée des administrateurs de se voir traités comme rebelles et d'entraîner dans leur sillage Bourg et le département. Mais, si la méfiance des autorités centrales cesse, la rancune des jacobins destitués de Bourg n'est pas effacée[8]. Le 25 juillet, le Conseil Général du département abroge sa décision du 26 juin et pour tenter d'infirmer ses actes de juin et juillet, il fait preuve d'une grande habilité politique et démagogique en adressant une lettre à la Convention par laquelle il "déclare de nouveau qu'il a toujours reconnu et qu'il reconnaît la Convention nationale actuelle comme seul centre d'unité"[9].

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1] RIFFATERRE (C.) : Le mouvement antijacobin et antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793. Lyon, 1912, page 187.

[2] 50% des fédérés du Bugey sont répertoriés comme activistes au sein d'une société populaire ou d'un comité de surveillance, contre 30% en Bresse, 13% en Dombes et 7% dans le pays de Gex.

[3]Cité par DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . .. Tome 3, page316.

[4] Cité par DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . .. Tome 3, page316.

[5] "le regret que nous éprouvons en voyant que votre administration continue de s'entendre avec les révoltés de Lyon ”. Lettre de Dubois-Crancé, Nioche et Gauthier des Orcières du 18 juillet 1793 de Grenoble, A.D. Ain 1L non classé.

[6] Lettre de Reverchon et Delaporte au département de l’Ain, 19 juillet 1793. A.D. Ain 2L non classé.

[7] Il est de retour à Bourg le 26, après s’être arrêté à Ambérieu, Lagnieu et Pont d’Ain.

[8] "Bourg est toujours infestée d'aristocrates. . . ils sont à la tête de la municipalité, du club, et des Assemblées de section ". Lettre de Merle à Blanc-Désisles 24 juillet 1793, A.D. Ain 13L 60. "Il ne faut pas pardonner à l'aristocratie, car son combat est la mort ". Lettre d'Alban à Blanc-Désisles du 2 août 1793, citées par DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . . .Tome 3, pages 325 et 332

[9]Lettre du Conseil Général de l'Ain à la Convention du 25 juillet 1793, A.D. Ain ancien L269

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