juillet 1793 : le C.S.P. de l'Ain

Le Comité de Salut Public de l’Ain

 

Le 5 juillet, alors que la Commission populaire de Lyon décide la levée de 1 500 hommes en Rhône-et-Loire et nomme de nouveaux commissaires pour aller à Bourg et à Lons-le-Saunier demander le renfort d’un bataillon de gardes nationaux.

Seules les communes de Bourg, Montrevel, Coligny, Treffort, Chavannes, Ceyzériat, Montluel, Meximieux, Chalamont, Châtillon, Pont-de-Veyle, Saint-Trivier de Courtes, Bâgé, Villebois, Lagnieu, Ambérieu, Ambronay, Aranc, puis le 30 juin, Poncin, Thoissey, Montmerle, Saint-Trivier-sur-Moignans, Belley, Lhuis, Hauteville, Montréal et Oyonnax, ont envoyé des députés siéger avec le département. Ces derniers sont nommés pour « prendre…toutes les mesures de Salut Public que les circonstances feront juger convenables et qui auront pour objet de maintenir la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République, la Sureté des personnes et des propriétés »[1]. Toutefois, ces nominations, faites fin juin, semble être faite dans une sorte de méconnaissance des enjeux politiques que cela implique : avant d’envoyer un délégué au canton pour désigner un député, la municipalité de Cuisiat ne reçoit que l’arrêté du conseil général de l’Ain ceux 27 mai et celui du 19 juin, sans autres documents.

Le faible nombre de communes ou de cantons qui ont envoyé un député au département marque un désaveu retentissant de la politique fédéraliste départementale de la part des 501 communes[2] du département. Face aux hésitations des chefs-lieux de cantons et de districts, à envoyer une députation au Conseil Général du département, ce dernier leur envoie une adresse afin de les motiver. En effet, des districts, comme Châtillon-sur-Chalaronne ou Pont-de-Vaux, ne suivent pas le Conseil Général "parce que, leur a-t-on dit, les principes du département tendaient au fédéralisme"[3]. Les administrations des districts de St Rambert, Montluel, Nantua et Gex, déclarent ne reconnaître que la Convention, tandis que les sociétés populaires de St Rambert et de Trévoux applaudissent au coup d’état du 2 juin. A cette date, seuls les représentants des municipalités et des cantons les plus proches de Bourg se sont joints au Conseil Général de l'Ain. La population du département, elle, commence à réaliser les éventuelles conséquences qu'engendrent les prises de positions des modérés vis-à-vis de la Convention. Le Conseil Général se défend des accusations de fédéralisme lancées contre lui et explique que ses actions "ne respirent que la liberté, l'égalité, l'unité et l'indivisibilité"[4]. Les administrateurs du département dénoncent ce qu'ils appellent l'anarchie, c'est-à-dire la dictature que le peuple parisien exerce sur la Convention, par l'exclusion des 22 députés Girondins. Ils restent dans l'idée qu'il faut maintenir le peuple écarté des affaires de la chose publique : "Républicains sincères et convaincus, ils avaient horreur de cette tyrannie populaire, la pire de toutes "[5]. La République doit être bourgeoise. A Belley, les modérés belleysans qui se réunissaient à la société populaire de la commune vont à celle du Temple, menée par Brillat-Savarin. Cette dernière se montre favorable pour “lever une force départementale pour réclamer la liberté des 24 députés arrêtés ”[6]. Les administrateurs du département de l’Ain sont informés presque quotidiennement des événements parisiens par les députés de l’Ain à la fête de la fédération. L’un d’entre eux est même conduit à la Convention par Merlino, avec qui il dîne le 31 mai.

            Le 6, le Conseil Général de l'Ain, réuni aux représentants des cantons, se constitue en Comité de Salut Public de l'Ain[7] et fait arrêter le citoyen Ricard, courrier extraordinaire du ministère de la justice auprès des représentants à l'Armée des Alpes, dérouté sur Bourg. Le Comité de Salut Public de l'Ain décide, après un scrutin, que Ricard ira à Lyon, malgré son itinéraire déjà établi. Sur les conseils de Blanc-Désisles, Ricard refuse de se soumettre. Le Comité de Salut Public de l'Ain décide alors que deux gendarmes emmèneront ses paquets de correspondance [8] à Lyon. Seulement deux administrateurs, les citoyens Peysson et Girod, protestent à contre ce nouvel acte fédéraliste.

Le 7 juillet 1793, un second vote des sections de Bourg organise la nouvelle municipalité. Par 310 voix contre 14[9], elles sanctionnent l'éviction des citoyens Rollet, Alban, Chaigneau, Convers et Blanc-Désisles. Ce vote illégal s'inscrit au moment où les jacobins ne bénéficient pas encore du soutien populaire que leur politique sociale leur apportera à partir de septembre. Le 10 juillet, la Commission Populaire Républicaine et de Salut Public du département de Rhône-et-Loire renouvelle sa demande au département de l'Ain, d“assistance et secours, envoie d’hommes armés et chevaux pour en imposer avec nous au scélérat Dubois-Crancé qui nous menace ”[10]. Les fédéralistes Lyonnais n'oublient pas de mentionner, au passage, la prompte translation à Lyon de tout ce qui à trait à l'approvisionnement. Malgré la présence à Bourg des commissaires Lyonnais, Momigny, Angelot et Maillant, et face à la division des autorités Lyonnaises, le département de l’Ain refuse l’envoi de ses gardes nationaux à Lyon tant que la municipalité provisoire n’aura pas donné plus d'éclaircissements sur ses principes. Si les administrateurs du département de l'Ain s'inscrivent dans une logique de combat politique contre le centralisme, l'anarchisme et la dictature des sections parisiennes sur la Convention, ils refusent l'alliance Lyonnaise, jugée trop incertaine et anti-républicaine.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 



[1] Registre des délibérations de la commune de Cuisiat, 29 juin 1793. A.C. Treffort DD.

[2] Seulement 5,38 % des communes sont alors fédéralistes. Mais ces communes sont toutes des chefs lieux de cantons et de trois d'entre elles sont des chefs lieux de districts, ce qui fait que 55% des chefs lieux de cantons sont fédéralistes.

[3]le Conseil Général du département de l'Ain à ses concitoyens, 5 juillet 1793. A.D. Ain ancien L269.

[4]le Conseil Général du département de l'Ain à ses concitoyens, 5 juillet 1793. A.D. Ain ancien L269.

[5]DUBOIS (Eugène) : Histoire de la Révolution. . .Tome 3 page 195

[6] Registre de délibérations de la société des sans-culottes de Belley. A.C.Belley.

[7]Nom qui apparaît le 6 juillet 1793 sur l’en tête des minutes du Conseil Général du département de l'Ain. A.D. Ain ancien L269

[8] Ces derniers contiennent le décret de la Convention du 3 juillet, mettant en accusation les procureurs près les administrations du département de Rhône-et-Loire, du district et de la ville de Lyon.

[9] Tableau analytique…, A.D. Ain 15L 131.

[10] Lettre de la Commission Populaire et Républicaine de Lyon au département de l’Ain, 10 juillet 1793. A.D. Ain 2L.

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