1792 : le Journal de l'Ain

Le Journal de l'Ain et l'opposition entre la société populaire et la municipalité de Bourg

Avril-juillet 1792

 

Ce journal va servir de biais communicatif à la société populaire de Bourg contre la municipalité. En effet, depuis le mois d'avril 1792, la société populaire de Bourg est en conflit avec la municipalité. Ce conflit politique s'alimente de tous les événements possibles. Le 19 avril 1792, pour soutenir Claude Juliéron, condamné à 6 ans de fer suite à une plainte de Loubas de Bohan, la société populaire de Bourg fait afficher un placard dans lequel elle fait appel à la générosité publique pour l'aider à payer les frais de justice. La mairie, dénommé comme lieu de recueillement des dons, s'appose à ce placard qu'elle juge compromettant et illégal. Le 23 avril, pour contrer les manœuvres de la société populaire des Amis de la Constitution de Bourg, la municipalité prend un arrêté de police municipal restreignant le droit d'affichage public à quelques murs et aux affiches officielles des administrations. La société populaire ne peut plus user de ce moyen. Pour contrer cette mesure, elle crée le Journal du Département de l'Ain.

Ce journal est une brochure imprimée de format in°8 qui parait le vendredi, d’avril 1792 à septembre 1792. Dès le 8 avril, Georges Sibuet fait circuler des prospectus du Journal à Bourg et à Nantua : “ j’ai l’honneur de vous adresser quelques prospectus d’un journal que les circonstances et notre position peuvent rendre d’un intérêt général et qui du moins sera d’une utilité particulière aux districts et municipalités du département ” [1]. Gauthier des Orcières, procureur général syndic du département, apprend “ avec plaisir l’établissement d’un journal dans notre département ”[2], et se montre très favorable à sa parution, d’autant plus qu”un pareil ouvrage est indispensable pour instruire les citoyens de tout ce qui se passe dans l’intérieur de leur département ”[3]. Le 10 avril 1792, il fait passer des prospectus du journal aux districts bugistes de Nantua et Belley. Véritable outil de communication de la société populaire des amis de la constitution de Bourg, le Journal de l'Ain sert de levier aux attaques contre la municipalité de Bourg. Par son biais, en juillet, l'affaire Juliéron est connu de tous : "une lettre de monsieur Sibuet défenseur de Julliéron près le tribunal de cassation qui informe la société que ce tribunal n'a pas eu égard aux moyens proposés par Julliéron et qu'il a confirmé son jugement; il envoi à cet infortuné 150 livres que sa famille lui avait remis pour les frais de son transport à Paris. . . Monsieur Rostaing a demandé à ce sujet . . . de faire mention honorable sur le registre du dévouement généreux de ce citoyen  (Sibuet). Monsieur Duhamel en appuyant vivement la proposition a demandé par addition que cet acte de générosité fut annoncé aux journalistes patriotes pour le consigner dans leurs journaux  " [4]. La seconde affaire est une adresse des amis de la société de Besançon : "Lecture a été faite d'une adresse des amis de la société de Besançon du premier juillet par laquelle ils annoncent que Simard l'un des membres rédacteurs du journal du département du Doubs vient d'être dénoncé à l'accusateur public pour raison de l'article du numéro 63 dont ils envoient copie, ils nous invitent d'en faire part aux journalistes patriotes de notre ville, afin qu'ils le rendent public. Après une lecture. . . il a été arrêté qu'on le remettrait à Mr Rostaing pour en faire mention dans son journal de ce département"[5]. Le but du journal est éminemment politique. Il constitue pour le parti patriote de Bourg un puissant outil de propagande d'autant plus qu'il a une certaine résonance régionale puisque les sociétaires de Besançon font appel à son soutien pour défendre la cause de leurs membres. Les frais d'impression du Journal de l'Ain sont pris en charge par la société populaire de Bourg. Sa diffusion est départementale et est le fait de patriotes [6]. Mais cette tentative de mise en place d'un périodique dans l'Ain ne résiste pas aux nouvelles conjonctures financières que la société populaire de Bourg rencontre à la fin 1792 et au départ de son principal rédacteur, Jean Antoine de Rostaing.

Ces circonstances jointes à la faiblesse militaire avérée du département poussent les citoyens de l'Ain encore en avant dans le processus révolutionnaire.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 



[1] Lettre de Sibuet, 8 avril 1792. A.D. Ain 2L.

[2] Lettre de Gauthier des Orcières au district de Nantua, 10 avril 1792. A.D. Ain 2L.

[3] Lettre de Gauthier des Orcières au district de Nantua, 10 avril 1792. A.D. Ain 2L.

[4]Registre de délibération de la société populaire des amis de la constitution de Bourg. A.D.A. série L fonds non classé, séance du 1er juillet 1792.

[5]Registre de délibérations de la société des amis de la constitution de Bourg, Op.cit, séance du 4 juillet 1792.

[6] Dès sa parution le maire de St Rambert souscrit, pour la municipalité, un abonnement de 3 mois, au prix de 5 livres.

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