1792 : l'entrée en guerre

L'entrée en guerre 1792

 

Avec le début de la guerre, l'Ain devient un lieu de passage pour les troupes qui rejoignent les frontières. Comme tel, il est une place militaire active dont les forts de Pierre-Châtel et de l'Ecluse sont des points importants. A l'automne 1791, des renforts de Rhône-et-Loire et du Puy-de-Dôme stationnent aux environs de Belley, à Nantua, à Pont d'Ain et à Cerdon. Le passage de ces bataillons dans les villes et villages de l'Ain donnent lieu à des réjouissances populaires [1] où l'enthousiasme politique s'exprime. Ces renforts sont d'autant plus nécessaires que la menace sarde sur l'Ain, en mai 1792, est jugée réelle par le capitaine de Villeneuve, commandant de Fort l'Ecluse. La frontière avec de l'Ain avec la Savoie est alors le sujet des principales préoccupations de l'administration. Son dénuement constaté depuis 1790 en troupe et en matériel est plus ou moins heureusement comblé par la mobilisation, le 27 mai 1792, des gardes nationales de Léaz et Lancrans sur les postes de Gresin et du pont de Bellegarde.

A partir de juillet, la situation militaire du département empire. En effet, le général d'Oraison, commandant le département estime à 54 000 hommes le nombre de troupes Sardes stationnées à la frontière savoyarde. A cette menace de plus en plus réelle, s'ajoute le retrait de troupes de ligne du département du fait du remembrement de l'armée du Midi et le manque cruel d'artillerie, malgré le nombre de bras suffisant : "nos légions sont formées en sorte que nous avons assez de bras, ce qui nous manque c'est de l'artillerie. M de Montesquiou a déclaré à M. d'Oraison ne pouvoir en faire passer dans notre département"[2]. Cette insuffisance pousse l'administration du département à envoyer un commissaire à Mâcon, le 17 juillet 1792, demander 6 pièces de canon.

 

Le 18 mai 1792, une loi porte le nombre des volontaires à 800 pour les bataillons de l'Ain [3], tout comme elle porte de 200 à 214 le nombre de bataillons de volontaires à l'échelon national. Mesure nécessaire, puisqu'un mois plus tôt la guerre a été déclarée le 20 avril 1792. Avec cette déclaration de guerre et la pression exercée par les troupes coalisées aux frontières, le Gouvernement demande à nouveau la création de bataillons de Volontaires. Si l'engouement était presque unanime en 1791, il l'est beaucoup moins en 1792. Avec la certitude de partir au front, les volontaires sont moins pressés. L'administration départementale en charge des recrutements doit démarcher les volontaires par des discours patriotiques[4]. Malgré tout, les administrations restent mobilisées ; la preuve est fournie par le directoire du district de Pont-de-Vaux qui, le 9 juillet 1792, commande six drapeaux tricolores en soie avec housse, à Lyon, pour en doter les bataillons[5]. Malgré tout, la situation militaire est dramatique. L'Assemblée promulgue une loi, le 8 juillet 1792, qui fixe les mesures à prendre lorsque la Patrie est en danger. Quatre jours plus tard, par un acte du corps législatif non sujet à la sanction du Roi, les députés déclarent la Patrie est en danger. A Bourg, ce sont les citoyens Baret et Gauthier, administrateurs du département, qui reçoivent et collationnent l'acte. Le 15 juillet, les administrateurs du département envoient aux districts une directive sur les mesures à prendre : les citoyens en état de porter les armes sont mis "en état d'activité permanente"[6]. Pour mobiliser les jeunes hommes, le 13 août 1792, le département prend un arrêté pour former un contingent de grenadiers, qui représentent l'élite de l'infanterie, pris dans chaque compagnie des cantons. Dès le 19 août, les grenadiers des cantons de Châtillon et de Pont-de-Veyle se réunissent pour s'engager. Ceux de Marlieux ne se réunissent que le 9 septembre. Toutefois, les 800 grenadiers formant le bataillon est réuni à Bourg le 26 août 1792.

Malgré les proclamations venant de Paris et du directoire du département de l'Ain, l'effort se révèle insuffisant, les volontaires des nouveaux bataillons ne sont plus que des hommes désignés par leur municipalité et à l'inverse de 1791, les hommes sont souvent peu ou mal équipés. Le 28 août 1792, le Directoire du département de l'Ain doit prendre un arrêté pour fournir des fusils aux volontaires. Ces derniers doivent être armé par les particuliers qui déposent leurs armes dans les mairies afin qu'elles puissent leurs être distribuées. A Pont-de-Vaux, le chanoine Guichellet avance la somme de 13 428 livres 12 sols pour acheter 300 fusils [7] pour les volontaires du district de Pont-de-Vaux. Le 2 octobre 1792, face au dénuement de la compagnie Joubert de Pont-de-Vaux, les commissaires et l'état-major du 6e bataillon de volontaires de l'Ain décident que celle-ci permutera de dépôt avec celle du capitaine Dalbert "pour le bien de l'habillement et pour celui du service" [8]. Ce dénuement ne touche pas que les volontaires de l'Ain mais aussi les troupes de ligne stationnées dans le département, tel le 72e Régiment d'Infanterie de Ligne, stationné à Nantua, qui, pour obtenir des pierres à fusil, fait appel à la générosité du département qui doit les lui refuser, par l'intermédiaire du commandant du Fort l'Ecluse, le 27 mai 1792, par manque de pierres[9].

 

L'intérêt gouvernemental pour l'Ain commence dès lors à se faire sentir. En effet, le département considéré comme stratégiquement sensible par l'Assemblée retient une attention toute particulière tant et si bien que le 9 octobre, l'Assemblée envoie de nouveaux commissaires dans l'Ain, dont Deydier, afin de vérifier les défenses du département. L'Ain ne sera plus, jusqu'à l'éloignement de la ligne de front, un département comme les autres, le Gouvernement sera désormais très attentif à ce qui s'y passe et, de ce fait, toutes les dissensions départementales trouvent dès lors un écho à Paris.

 

La guerre et ses résultats, la politisation des masses révolutionnaires répondant à l'appel constituent un facteur de révolution important dans l'Ain qui, joint à d’autres facteurs nouveaux, poussent les révolutionnaires de l'Ain vers une nouvelle révolution politique : la République.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 



[1] Blanc-Désisles fait un discours en l'honneur du passages des volontaires de Rhône-et-Loire à la société populaire de Bourg le 4 mars 1792.

[2] Lettre des administrateurs de l'Ain à Tardy, 17 juillet 1792. A.D. Ain 181J. Gorini, boite 152.

[3] Loi du 18 Mai 1792. A.D. Ain série L.

[4] "L'ordre est donné, grenadiers, le signal de la marche s'est fait entendre et vous êtes impatients de partir. Vos bras s'armèrent en 1789 pour la conquête de la liberté, et vous jurâtes alors de ne déposer vos armes que lorsqu'elles n'auraient plus d'ennemis. . . aussi les administrateurs n'ont pas besoins de mettre sous vos yeux le tableau des traitements humiliants et barbares que vous ferait essuyer un ennemi vainqueur. Arrêté du Directoire du département de l'Ain pour la création d'un bataillon de Grenadiers des Gardes Nationales de l'Ain. 26 août 1792. A.D. Ain série L.

[5] Le coût revient à 616 livres. A.D. Ain 7L.

[6] Extrait des procès verbaux du département du 15 juillet 1792. A.D. Ain  série L.

[7] Les fusils viennent de Fleurville en voiture. A.D. Ain 7L.

[8]Arrêté de l'état-major du 6e Bataillon de Volontaires, 2 octobre 1792. A.D. Ain série L.

[9] Il en reste 1 500 à Fort l'Ecluse, juste assez pour la garnison. 

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