La présence d'un réseau routier développé stimule l'ardeur économique des communautés se trouvant sur un axe de communication, notamment à Coligny et Pont d'Ain, où se trouvent beaucoup d'auberges, ou Châtillon de Michaille qui par sa position géographique centrale et la route royale "ont rendu les habitants… industrieux et commerçants" [1]. Si Nantua profite aussi de la route de Lyon à Genève au détriment de St Rambert, cette dernière ville reste néanmoins "un lieu de halte reconnu avec plusieurs auberges, car située à égale distance de Lyon et de Seyssel"[2]. Dès 1750-60, la route Lyon-Genève, passant par Nantua, facilite "l'écoulement des marchandises des ports de Marseille et de Toulon à Genève et en Suisse" [3]. Avec les routes apparaît dans le Bugey la profession de rouliers, comme dans le Jura, qui conduisent à Marseille des blés de Bresse et ramènent des marchandises méridionales à Nantua. Pour sa part, le réseau routier de Bresse, construit sous l'Ancien Régime dès 1740, exerce pour sa part un pouvoir de fixation des habitants vers ces axes de communication, surtout entre Bourg et Mâcon, où les villages se concentrent plus vers les routes que vers l'intérieur des terres.
A côté des routes royales et provinciales à peu près entretenues, le reste du réseau routier est, sous l'Ancien Régime, presque impraticable lors de la mauvaise saison et le reste sous la Révolution : "le chemin vicinal…qui sert à cette commune de communication au marché de Champagne et aux foires du district de Belley est impraticable, qu'il est même dangereux d'estropier des personnes…le conseil général de la commune invite les administrations de vouloir expédier l'exécution du présent arrêté afin de profiter des beaux jours de l'automne pour faire le dit chemin afin de ne pas déranger les travaux de l'agriculture"[4]. Dans le canton de Montrevel, les chemins sont rares et mauvais, et les rares charrières sont impraticables en hiver, même la route royale de Bourg à Mâcon se transforme en un bourbier l'hiver. Mais là encore, l'égalité des pays à l'intérieur de l'Ain face à la densité du réseau routier est flagrante ; en Bresse et en Dombes le réseau routier couvre 2887 hectares en 1806, tandis que dans le Bugey il ne couvre que 1731 hectares. Dans beaucoup de petites communes rurales, un des premières actions des municipalités, nouvellement nées, sera, comme à Cruzilles le 2 mai 1790, de prendre des ordonnances de police réglementant l'usage "des charrières et autres chemins de désserte qui sont la plus part dans un état impraticable" [5] en interdisant la plantation d'arbres, la cueillette d'herbes ou la paissante des animaux.
Mis à part ses routes, l'Ain possède dans ses cours d'eau un second moyen de communications et de transports. Si ce moyen bénéficie à Seyssel, il faut qu'il soit aménagé, ainsi St Rambert ne peut pas bénéficier de l'Albarine qui n'est pas navigable "à cause des rochers et qu'en été elle est souvent à sec"[6]. Certaines communes profitent de l'eau pour l'industrie, comme à Bourg avec les tanneurs, à Pont-de-Vaux pour la poterie et St Rambert pour le cuir et la papeterie. A Trévoux la proximité de la Saône permet l'installation d'une imprimerie. Une grande partie des marchandises provenant d'Allemagne et de Suisse s'embarquent sur le Rhône à Seyssel jusqu'à Lyon, ainsi que les bois de forêts.
Si les pays de l'Ain ne comptent que trois grands centres industriels dans les villes de Trévoux, Ferney et Nantua, les marchés et les foires sont largement répandus sur l'ensemble du département mais forment un croissant au nord-ouest de Bourg.
Cette facilité de déplacement dû au réseau routier, la présence d'un marché, peuvent être des facteurs de politisation des foules lors de la décennie révolutionnaire, car les voies ce communication et les lieux de sociabilités économiques rapprochent les hommes et les idées malgré la contrainte géographique que peut constituer les montagnes et les étangs.
d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II
[1] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.
[2] PERROT (Marc) : St Rambert en Bugey au 18e siècle. Mémoire de maîtrise d'histoire sous la direction de M.Gutton, Université Lumière Lyon II, octobre 1973.
[3] PERROT (Marc) : St Rambert en Bugey au 18e siècle. Mémoire de maîtrise d'histoire sous la direction de M.Gutton, Université Lumière Lyon II, octobre 1973.
[4] A.C. Grand Abergement. 1er registre de délibérations.
[5] Registre de délibérations de Cruzilles. A.C. Cruzilles, D1. Déposées aux A.D. Ain.
[6] Livre de l'intendant ferrad cité par PERROT (Mars) : St Rambert en Bugey au XVIIIe siècle. Mémoire de maîtrise sous la direction de M. Gutton, Université Lumière Lyon II, 1973. A.D. Ain T70.
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