1789-1799 sous le bonnet rouge : le commerce avec la Suisse

Dès avant même la Révolution, la Suisse est un très gros importateur de denrées. Toutefois, en juillet 1789 et juin 1790, Genève se voit contraint d’aider la ville et le pays de Gex où les subsistances manquent cruellement.

L’esprit mercantile et l’évolution proto industrielle de la Suisse, lui permettent, dès 1791, de pouvoir fournir à la France et à St Etienne notamment un grand nombre de pièces détachées d’armes, ce qui augmente la possibilité de flux donc de trafic.

Toutefois, et malgré les mesures restrictives aux frontières, le commerce licite entre la Suisse et l’Ain ne faibli pas durant le Directoire. Au contraire, c’est même une force vitale pour l’économie départementale. En effet, en prairial an IV, l’administration municipale du canton de Virieu demande une modification des droits de douanes sur le vin dont l « unique débouché était Génève et la Suisse »[1].

Durant l’an V, le débit frontalier, Ain-Suisse, est très important. Au poste de douanes de Saconnex, de ventôse an V à fructidor an V, 839 passages à destination commerciale de la frontière ont lieu. 77% de ce trafic obtient des acquis de caution du poste de Carouges, avec une baisse en été (67%), dont un flux qui tend à monter vers l’Ain en été, au profit du poste de Collonges (10%) et Mijoux (16%). Ce dernier est le premier bailleur d’acquis de caution de l’Ain où 6 communes délivrent, assez irrégulièrement, des acquis de caution. Ce trafic mercantile se fait majoritairement en voiture (50% du passage sur 2 mois étudié) puis à pied (47%). Les personnes qui passent la frontière sont essentiellement des proches frontaliers (Saconnex, Ferney, Carouges) ou des frontaliers (Sepmontcel, Meyrin, Gex, St Genis). Le passage est presque durant toute l’année régulier, avec une moyenne de 4 passages par jour, sauf au printemps (floréal – prairial) ou il passe à plus de 5 passages par jour et à la fin de l’été (fructidor), où il tombe à moins de 3 passages par jour pour être très faible durant l’hiver an V-an VI, où seulement 13 passages de font de la Suisse à l’Ain et très surveillés à cause des troubles intérieurs contre-révolutionnaires. Dès l’an VI, le flux commercial entre l’Ain et la Suisse reprend dans tout le département : 8 communes de l’Ain, tant bressane (2) que dombistes (1), bugiste (3) ou gessienne (2), ont un commerce régulier de marchandises, café et épices, avec la Suisse.

85% des choses les plus déclarées à la douane sont les animaux (26%), les céréales (23%), le numéraire (23%) et le vin (13%), concrétisant la présence de vendeurs et d’acheteurs. Toutefois, le flux de ces marchandises n’est pas fixe. Au printemps, le flux des céréales est le plus fréquent, alors qu’en été c’est celui des vins.

En l’an V, le flux des marchandises subit l’influence de la contrebande[2]. Le marché des toiles est très faible (3%) mais sans doute, une partie des toiles passant par Saconnex sont elles celles légalisée par les acquis de caution largement distribués à Carouges, Thonon et Versoix puisque 94% des toiles passant par Saconnex ont des acquis de caution provenant de Carouges. Le flux de ces toiles, faible durant l’hiver et le début du printemps de l’an V, devient de plus en plus fréquent durant l’été.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 



[1]              A.D. Ain 2L 120.

[2]              Voir CROYET (Jérôme) : “bilan des rapports frontaliers entre l’Ain et la Suisse, 1790-1815”in Frontières et espaces frontaliers du Léman à la Meuse 1789 à 1814.Presses Universitaires de Nancy.

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