1789-1799 - sous le bonnet rouge : l'instruction

 

 Même si le Français est la langue usitée majoritairement depuis le XVIe siècle par la noblesse et la basoche, la culture et le langage traditionnel de ces régions, d'origine franco-provençal restent ancrés dans les mœurs. Même si le français se propage grâce aux routes et à quelques écoles, beaucoup de ruraux s'expriment encore en patois1 contrairement aux citadins, ce qui "crée un fossé culturel entre ville et campagne"2. Il ressort que ce parler patois d'origine francoprovençal n'est pas homogène, il varie dans chaque paroisse voir même dans chaque communauté. Toutefois, il existe un ensemble linguistique autour des patois de Revonnas, Chevillard, Montgriffon, Thézilieu et Chézery. Sur 23 mots de patois courants, ces trois communautés possèdent au moins 7 mots en commun avec d'autres communautés.

Ce n'est que le 26 ventôse an II, après que le directoire du département de l'Ain ait enregistré le décret du 30 pluviôse, additive à celle du 8 portant que le français est la langue obligatoirement apprise en France, que l'Ain l'adopte définitivement. Cette adoption du français est renforcée par la loi du 2 thermidor an II qui stipule que nul acte public fait en France ne pourra être écrit qu’en français. Homogénéiser une pratique, l’unité linguistique, est alors essentiel si l’on veut une culture commune, socle d’une société pacifiée3.

 

Le système éducatif n'est pas absent du paysage culturel des pays de l'Ain. En Bresse, comme dans le Valromey, il est à deux niveaux, d'abord une instruction essentiellement religieuse, dispensée par le curé puis une instruction dispensée par un maître d'école financé par la communauté villageoise et régie par le règlement pour les écoles de la ville et diocèse de Lyon. Outre l'aspect éducatif, l'influence exercée par ces recteurs d'écoles communales sur la population est assez grande surtout en Dombes, à l'exemple d'Anton Chalier4 qui, "pour procurer aux habitants de ce dernier lieu le plaisir et la satisfaction de voir partir un ballon de globe aérostatique"5 en apporte un "de Lyon, conforme à l'invention de la découverte de Mrs de Montgolfier d'Annonay en Vivarais"6 et le fait voler durant 16 minutes sous les yeux de toute la population.

 

Sur l'ensemble du futur département de l'Ain, seuls 25 % des époux et 11% des femmes savent écrire leur nom entre 1786 et 1790, tandis qu'à Bourg, 54% des hommes et 34% des femmes le savent entre 1785 et 17897. Dans les villes dombistes le taux d'alphabétisation est sensiblement plus élevé, 57% des époux et 39% des épouses de Thoissey, entre 1740 et 1789 savent signer, tandis qu'à Trévoux, un homme sur deux et deux femmes sur cinq savent lire8. Ce fort taux d'alphabétisation de la Dombes est dû à la proximité Lyonnaise mais aussi à l'indépendance de la province, gérée par son Parlement jusqu'en 1781, date effective du rattachement de la Dombes à la Bresse. En plus de ces écoles, les pays de l'Ain comptent plusieurs collèges, Bourg, Belley, Gex, Nantua, Thoissey et Trévoux9, établis et réglementés grâce à des lettres patentes. Ainsi, le collège royal de Thoissey est "confié aux religieux Bénédictins de la congrégation de St Maur par lettres patentes enregistrées au Parlement le 13 février 1769, sous les auspices et la protection de Monseigneur l'Archevêque de Lyon et de Monsieur le premier président du Parlement"10. A la veille de la Révolution, si seulement une partie de la population est alphabétisée, tous les habitants des pays de l'Ain sont capables de communiquer efficacement entre eux.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", soutenue et obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II

 

 

1 Le patois est alors un langage riche en notions concrètes mais pauvres en termes abstraits.

2 ABBIATECI (André), PERDRIX (Paul) : Les débuts de la Révolution dans les pays de l'Ain, 1787-1790. Les Amis des Archives de l'Ain, Bourg, 1989, 223 pages.

3 « Une démocratie doit nécessairement partager une culture commune ; sans cela, la dislocation du pays en communauté séparées empêcherait le fonctionnement adéquat des institutions représentatives ». DOAN Raphaël) : « réhabiliter l’assimilation » in Front Populaire n°4, printemps 2021.

4 Il est commis chez les frères Perisse, imprimeurs libraires à Lyon en 1784, et recteur de l'école de Villars les Dombes.

5 Registre paroissiale de Villars les Dombes. A.C. Villars les Dombes.

6 Registre paroissiale de Villars les Dombes. A.C. Villars les Dombes.

7 ABBIATECI (André), PERDRIX (Paul) : Les débuts de la Révolution dans les pays de l'Ain, 1787-1790. Les Amis des Archives de l'Ain, Bourg, 1989, 223 pages.

8 ABBIATECI (André), PERDRIX (Paul) : Les débuts de la Révolution dans les pays de l'Ain, 1787-1790. Les Amis des Archives de l'Ain, Bourg, 1989, 223 pages.

9 Les collèges de Bourg, Gex et Nantua sont tenus par des Jésuites. Celui de Nantua est tenu par des Joséphistes.

10 Règles du collège royal de Thoissey, 13 février 1769, A.D. Ain D 22.

 

 

 


 

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