1789-1799 : un état des lieux l'Ain au XVIIIe

 

A la veille de la Révolution, la noblesse des Dombes et de Bresse se réunit régulièrement à l'Hôtel des Provinces, situé à Bourg. Le futur département de l'Ain est un conglomérat de pays qu'administrent cinq subdélégués de l'intendant de Bourgogne, Amelot de Chaillou : Thomas Riboud à Bourg, Janet à Trévoux, Fabry à Gex, Prost à Nantua et Jenin de Montègre à Belley. Tel est le découpage simplifié de l'administration royale qui cherche à regrouper autour d'un point central politique fort, Bourg, et un point central religieux, Belley, des régions culturellement et socialement variées, qui plus qu'au nombre de quatre sont en fait au nombre de six, la Bresse, le Revermont, le Valromey, le Pays de Gex, le Bugey et la Dombes. L'histoire de la révolution dans l'Ain reste très marquée par l'influence de la géographie du département, non seulement d'un point de vue physique mais aussi économique, culturel et social. Ces particularismes locaux, géographiques, unifiés au sein du département de l'Ain en janvier 1790, et professionnels peuvent-ils constituer une base d'un particularisme politique locale divergent d'un pays à l'autre, ou au contraire, les contraintes géographiques d'Ancien-Régime

Géographie du milieu

 

Le département de l'Ain, même s'il n'est pas créé au début de la Révolution, est déjà géographiquement dessiné ; il est limité à l'est et au sud par le Rhône, à l'ouest par la Saône et au nord par une frontière culturelle, celle des pays à tuiles et des pays à ardoises, frontière invisible entre le Nord et le Sud de la France.

Géographiquement l'Ain comprend une grande variété de reliefs : on ne compte pas moins de 27 régions géographiques différentes [1]. Mais on peut les réunir en deux grands ensembles naturels, un pays de plaine à l'ouest entouré et entrecoupé de cours d'eau et un pays de montagnes à l'est entrecoupé de vallées et de cluses. De par sa configuration géographique, l'Ain est déjà un pays d'oppositions. De même les zones végétales naturelles sont inégalement réparties, sur 67 245 hectares de forêts en 1806, le Bugey en compte à lui seul 45750 hectares contre 12597 hectares en Bresse et 8898 hectares en Dombes. Ces forêts sont composées essentiellement de chênes, de hêtres et de pins.

Le climat du département est à l'image du contraste géographique est-ouest, entre la Dombes humide et brumeuse, définie comme nuisible aux hommes par le préfet Bossi et le climat Bugey réputé bon et sain. A St Trivier sur Moignans, en Dombes, "l'air y est épais et mal sain et l'on peut douter que la cause principale de cette insalubrité ne doive être attribuée aux vapeurs méphitiques des étangs que le vent du sud rabat sur cette ville"[2]. Au nord de la Dombes, à Bâgé-le-Châtel, l'air, considéré comme peu sain, l'est jusqu'au sud est de la Bresse, à Pont d'Ain, où il est même fiévreux à cause du passage de la rivière d'Ain, et à Lent ou Buellas où le pays est considéré comme mal-sain[3]. Dès qu'on s'éloigne de l'eau, omniprésente en Dombes, on peut avoir un climat sain, comme à Meximieux où à Coligny et à Pont-de-Vaux où l'air y est généralement sain et pur. Dans le Bugey, par contre "l'air…est vif et pur comme c'est en général celui de tout l'arrondissement"[4] mais le sol rocheux assez pauvre est recouvert de forêts.

L'Ain connaît deux périodes de froid en décembre et en février, les points les plus froid se trouvant dans le Bugey alors que les plus fortes chaleurs se trouvent en Dombes.

Géographie humaine

            La démographie de l'Ain est à l'image de son relief, mais dans un axe nord-ouest sud-est populeux (Pont-de-Vaux, Bourg, Ambérieu-en-Bugey, Belley) et un axe nord-est sud ouest peu habité (Trévoux, Chalamont, St Rambert, Poncin, Nantua, Gex), voire même démographiquement en déclin. Le premier axe compte 32 857 habitations en 1806 contre 23 067 au second. Ce dernier axe est même une terre d'émigration, les habitants de Nantua "émigrent l'hiver pour aller peigner le chanvre"[5] comme une grande partie des habitants du Haut Bugey en automne[6] ; en 1806, le préfet Bossi estime à 4 à 5 000 individus ces émigrants dans l'arrondissement de Nantua et à 1 500 à 2000 dans le nord de l'arrondissement de Belley. De cette masse migrante apparaît en 1765 la profession de roulier, transporteur par route, de marchandises d'une région à une autre. Terre d'émigration, le Bugey devient aussi, pour des raisons économiques une terre d'immigration, en effet, il se fait une spécialité de pris en charge d'enfants de la Charité de Lyon. Mais, à la veille de la Révolution, St Rambert, troisième ville de l'Ain, est une ville qui se dépeuple, passant de 2 777 habitants en 1774 à 2 307 en 1790. De même, une partie de la Dombes, le Franc Lyonnais, est victime de dépopulation. Outre un sol stérile et en grande partie inculte, le nivellement des impositions en Dombes projette les populations de Riottier, St Bernard et St Didier de Formans sur les routes.

La vie est néanmoins rude dans les campagnes, outre un rythme donné par le soleil et quelques bougies, « la vie paysanne s’écoule au rythme des saisons »[1], hors du temps, la montre est un objet rare, même si elle est fabriquée dans le pays de Gex et l’a été à Bourg ; seul l’angélus et son clocher indique les moments de la vie outre le dimanche et les jours chômés.

 



[1] TULARD (Jean) : la vie quotidienne des français sous Napoléon. Hachette, 1978.

 

Jérôme Croyet

docteur en histoire



[1] Voir la carte des Régions Géographiques Naturelles.

[2] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.

[3] Avec beaucoup d’étangs et de bois, il n’est pas étonnant que la fièvre y soit commune, surtout en automne, il s’y manifeste assez souvent des fièvres putrides. Les eaux y sont mauvaises”. CLERC-NOYELLON (Gérard) : il était une fois…Lent. Editions de Trévoux, 1982, 66 pages.

[4] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.

[5] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.

[6] "les citoyens…avaient coutume d'aller, pendant l'automne, peigner le chanvre". A.C. Grand Abergement. 1er registre de délibérations.

Écrire commentaire

Commentaires: 0