La pierre d’Hauteville, appelée “ choin d’Hauteville ”, est un calcaire compact de la période du valanginien, qui une fois polie a l’aspect du marbre. Ce ne fut pas comme pierre de taille que la pierre d’Hauteville devint célèbre dans le monde entier mais comme élément de revêtement et de décoration. Le “ choin d’Hauteville ” se trouve au lieu-dit “ La Cornelaz ”(commune d’Hauteville-Lompnes).
L’exploitation ces carrières débuta vers 1835 et ce ne fut qu’en 1850 qu’un ouvrier tailleur de pierre s’installa dans la carrière. La pierre extraite servit, tout d’abord, à l’érection de monuments funéraires jusqu’à la première grande commande en 1863 par la compagnie des chemins de fer PLM pour édifier un grand viaduc dans les environs de Paris.
Suite à ces débuts prometteurs, la société des carrières de Villebois dirigée par M. Derriaz s’émut de cette concurrence et obtint de la municipalité d’Hauteville la location des carrières communales. Lors des adjudications en 1867, quatre des six lots revinrent à M. Derriaz qui donna ses droits sur ces quatre lots, en 1869, à la S.A. des carrières de Villebois-Montalieu-Hauteville-Serrières-de-Briord-Amblagnieu.
L’exploitation annuelle atteignit 1200 m3 dans les années 1870. C’est à cette époque qu’une partie de la production partit à New York pour devenir le socle de la statue de la Liberté édifiée en 1886 par le sculpteur français Bartholdi. La société n’obtint pourtant pas les résultats escomptés malgré de nombreuses commandes : le volume d’exploitation tomba à 400 m3 en 1887.
A la fin de la location, en 1888, les élus municipaux décidèrent, sous la pression de leurs concitoyens, la libre exploitation des carrières. Peu de carriers concessionnaires purent réaliser des bénéfices appréciables. Selon les termes du conseil municipal, la pierre d’Hauteville était “ tombée dans le plus complet discrédit soit par suite des agissements intéressés (sic) des exploitants d’autres carrières, soit en raison des fournitures défectueuses faites par des carriers en quête d’écouler leurs produits par tous les moyens possibles ”. Au début du XX° siècle, les exploitants passèrent un traité avec l’un d’entre eux, M. Coulon, négociant à Hauteville, traité selon lequel M. Coulon payait comptant toute la pierre extraite.
Devant cette situation, la municipalité concéda, en 1905, le monopole de l’exploitation à ce même M. Coulon qui créa, pour l’occasion la société Coulon-Bailly, devenue société Bailly et Brunet-Lecomte après la mort de M. Coulon en 1907. En 1920, la société Bailly et Brunet-Lecomte se transforma en “ S.A. des carrières d’Hauteville ”, dirigée par M. Escalle et dans laquelle des Américains fortunés investirent des capitaux. Dans ces années 1920 et 1930, la pierre d’Hauteville connut son “ âge d’or ”. La production était alors de 1500 m3 par an. Cette société, grâce à la renommée mondiale de son produit, obtint de fabuleux marchés principalement à l’étranger. En 1920, les 4/5° de la production étaient exportés avec pour principal acheteur, les Etats-Unis. La ville de New-York fit même baptiser une de ses rues du nom d’Hauteville.
Parmi les utilisations et les destinations de cette pierre si recherchée, on peut citer l’escalier monumental de la Maison Blanche à Washington, les escaliers et le parement de l’Empire State Building de New-York (1931), le mémorial Lincoln à San-Francisco, les aménagements du Capitole à Washington, les escaliers du palais impérial du Japon, la réfection du palais de l’Escurial en Espagne, l’Instituée Bernasconi à Buenos-Ayres …
Le déclin des carrières commença à la fin des années 1930 avec l’achèvement des constructions architecturales américaines et le début de la guerre. En 1941, à la suite du décès de M. Escalle, la S.A. des carrières d’Hauteville vendit ses droits et charges à la S.N.C.H. (société nouvelle des carrières d’Hauteville). La société nouvelle, sous la direction de M. Chapuis, obtint quelques marchés à la Libération : la construction d’immeubles appartenant à la société Dassault sur les Champs-Elysées à Paris, le mémorial du déporté de Struthof à Schirmeck, la salle des fêtes d’Evian… A partir des années 1950-1960, les beaux gisements ayant presque tous été épuisés, les carrières ne furent exploitées que par les pompes funèbres ou par l’industrie du bâtiment, voire pour le concassage. Plusieurs sociétés exploitèrent les carrières à ces fins dans les années 1980 et 1990 : Rocamat, SO.CO.D.O., Rossi ou la S.A. Vincent. Cette dernière est, depuis 1999, la seule à exploiter les carrières communales d’Hauteville. Elle put même relancer, en 1987, l’activité de pierre marbrière grâce à la découverte d’un gisement dans les couches inférieures. La pierre d’Hauteville s’exporte de nouveau aussi bien en Europe pour la restauration de bâtiments initialement réalisés en pierre d’Hauteville qu’en Corée du sud ou en Egypte.
Par Yann Cruiziat
président du Dreffia (association de patrimoine du plateau d'Hauteville-Brénod)
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