le repas rural en Bresse

Dans toute la Bresse, le repas se fait « à la cuillère, propriété de chaque personne. Elle ne se lave pas. La soupe mangée, on l’essuie de la bouche, ou avec le bout de la nappe, et on la suspend »[1].

L’eau est une boisson essentielle en Bresse. Lors du repas, le pot à eau circule de convive en convive. Chacun y trempe ses lèvres à tour de rôle, avant de le remettre au centre de la table. Quant aux vins locaux – issus des vignes du val de Saône ou du Revermont -, ils sont peu consommés. Le vin, ingurgité en abondance et sans la moindre modération, est toutefois responsable de graves troubles à l’ordre public [2].

Durant les repas bressans, les femmes de la maison « ne se mettent jamais à table. Elles sont toujours debout, l’écuelle à la main et veillent à ce que chacun soit servi » [3].

Les habitudes culinaires des Bressans et des Revermontois sont globalement identiques. Au nord de la Bresse, dans les cantons de Pont-de-Vaux et de Saint-Trivier-de-Courtes, le pain et les gaudes constituent la plus grande partie de la nourriture. Ces dernières sont bouillies ou grillées. Le soir, le repas consiste en une soupe de pain, assortie d’un fromage blanc au lait de vache ou – dans les environs de Pont-de-Vaux – d’un fromage de clon [4]. En outre, la pomme de terre est largement utilisée dans l’alimentation quotidienne : « On les coupe en tranches et on les frit. On les mange cuites à l’eau ou au feu. Il en est de même des raves »[5].

Dans cette partie de la Bresse, les oeufs sont généralement réservés à la vente. Dans la partie occidentale de ce terroir – et plus particulièrement dans les cantons de Pont-de-Veyle, Montrevel et Bâgé, lieux d’élevage privilégiés de la volaille de Bresse – les gaufres accompagnent la majeure partie des repas. La soupe y est faite de courge, tandis que les fèves et les pois sont consommés à l’écuelle, et non en purée. Les haricots sont aussi dégustés apprêtés. Pendant les travaux d’été, un repas – composé d’une soupe au lait, de pain, de fromage, et de lard – est servi directement aux champs. « La viande fricassée n’apparaît que rarement »[6] et est réservée aux jours de fête. Elle est fréquemment issue d’une truie jugée impropre à la vente. La population recourt ponctuellement à la viande de vache, notamment lorsque celle-ci risque d’être perdue pour l’usage quotidien.

Jérôme Croyet

Président-fondateur de la S.E.H.R.I.

 



[1] Forest, Germain, Traditions des pays de l’Ain, Editions Curandera, 1991, p. 65.

[2] Le janvier 1781, de retour de la foire de Marboz, les sieurs Morand et Brevet, ainsi que les deux frères Morandat – accompagnés de leurs trois domestiques – font halte dans une auberge de Saint-Etienne-du-Bois pour s’y rafraîchir. Les maîtres ayant quitté l’établissement avant eux, leurs domestiques reprennent la route par leurs propres moyens. En chemin, « ils s’arrêtèrent dans le village de la Claison. Ils y causèrent du tumulte, ils abattirent deux barrières, firent des efforts pour abattre le cheptel de Pierron et comme ils ne purent y parvenir, ils enlevèrent dessous ce cheptel un tombereau  qu’ils trainèrent jusque dans la rue. Ce fut alors que ces trois domestiques furent poursuivis par les habitants » (Archives Départementales de l’Ain, 18 J 12). Armé d’une pique, l’un des domestiques arrache un œil à un villageois. L’affaire est portée devant la cour de justice criminelle ; à cette occasion, les maîtres sont défendus par Populus.

[3] Bossi, Statistiques sur le département de l’Ain, 1806.

[4] Dupasquier, Jérôme, Pour en finir avec le clon, 2003.

[5] Bossi, op.cit.

[6] Forest, Germain, op.cit, p. 66.

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