Les XVIIIe et XIXe siècles dans l'Ain, outre une expansion économique et industrielle, sont marqués par la volonté de l'homme de modeler la nature à ses désirs. Malgré les guerres et les mouvements migratoires dans l'Ain, le taux de natalité de 1801 est meilleur qu’en 1789 bien que le Pays de Gex soit démembré du département. A ce facteur démographique, se joint un facteur technologique non négligeable notamment en matière agricole où la Société d'Emulation de Bourg s'est spécialisée depuis 1755. A coté de ces nouvelles technologies agraires, la proto industrie prend de l'ampleur dans le Bugey à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec l'exploitation des forêts et des cours d'eau. De ces faits, la surface agricole augmente restreint les terres sauvages du département et leurs habitants. Ce recul entraîne une confrontation inévitable entre l'homme colonisateur de terres vierges et les animaux, notamment les ours et les loups, habitants des zones montagneuses et forestières du département, ce qui entraîne des pertes de part et d'autres.
Les loups et les ours s'attaquent plus facilement à l'homme et ses "avatars" : chiens, moutons, brebis, vaches. Ces attaques entraînent une réaction humaine de défense. La peur et l'incompréhension liées à la haine de celui qui attaque les biens personnifient ces animaux dans le panthéon des horreurs.
La chasse de ces animaux, alors aristocratiques, devient à partir du 4 août 1789, une chasse individuelle qui oppose un homme à la bête. Mais, sous le Directoire, devant la recrudescence des loups, une loi est prise, le 10 messidor an V, qui consacre leur destruction et encourage la chasse individuelle et spontanée. Un système de prime très intéressante est mis en place : la mort d'un loup enragé ayant attaqué un humain est payée 150 francs. Afin de toucher la prime, le chasseur doit faire constater par l'agent municipal de sa commune le décès de la bête par la présentation du cadavre. La chasse individuelle se fait le plus souvent à la traque par un individu armé d'un fusil. Alors que la Révolution avait systématisé la prime d'encouragement au loup tué, l'administration impériale suspend cette pratique. Ces chasses laissent la place durant l'hiver 1807/1808 aux battus avec la découverte en 1806 de la contagion de la rage par les loups et sa vérification en 1807 à la Société d'Emulation de l'Ain Bourg. Sous le 1er Empire, la chasse, nécessaire à l'expansion humaine, est organisée de manière rationnelle. Dans l'Ain, les battues impériales ont la particularité de ne plus être comme sous l'Ancien-Régime la réquisition d'hommes armés, elles font désormais parties de l'obligation de la Garde Nationale Sédentaire. Le 1er Empire est la période d'intensification militaire de la chasse aux loups et aux ours : sur 29 battues organisées de l'an II à 1844, 12 se passent en 1808 et 26 concernent les loups.
Toutefois, le système de battue à ses limites, car il mobilise beaucoup d’homes et coûte cher sans rapporter beaucoup : sur 18 battues organisées de l'an II à 1808, seulement douze loups sont déclarés tués.
Jérôme Croyet
docteur en histoire
Écrire commentaire