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le repas rural dans l'Ain du XIXe

Dans toute la Bresse, le repas se fait à "la cuillère (qui) est la propriété de chaque personne : elle ne se lave pas, la soupe mangée, on l'essuie de la bouche et avec le bout de la nappe et on la suspend"[1]. L'eau est la boisson essentielle de la Bresse. Le pot à eau passe de convives en convives, qui boivent chacun dedans, puis le remettent au centre de la table. Le vin issu des vignes du val de Saône ou du Revermont n'est que peu bu, alors que le vin est une boisson fortement consommée, souvent sans aucune modération, ce qui entraîne de grave trouble de l'ordre public[2]. Durant les repas bressans, les femmes de la maison "ne se mettent jamais à table ; elles sont toujours debout, l’écuelle à la main et veillent à ce que chacun soit servi"[3]. Les habitudes culinaires des Bressans et des Revermontois sont à peu près les mêmes avec cependant quelques différences. Au nord de la Bresse, dans les cantons de Pont-de-Vaux et de St Trivier-de-Courtes,  le pain et les gaudes constituent la plus grande partie de la nourriture. Elles sont bouillies le matin ou grillées comme un gâteau chaud. Le soir, le repas est constitué d'une soupe de pain. La pitance de ces repas est un fromage blanc de lait de vache ou un fromage de clon[4] vers Pont-de-Vaux. La pomme de terre est grandement utilisée dans la nourriture quotidienne du bressan de la partie septentrionale de la Bresse. "On les coupe en tranches et on les frit...on les mange cuites à l'eau ou au feu...il en est de même des raves"[5]. Dans cette partie de la Bresse, les oeufs sont généralement réservés à la vente. Dans la partie occidentale de la Bresse, dans les cantons de Pont-de-Veyle, Montrevel et Bâgé, lieux d’élevage de la volaille de Bresse, les gaufres accompagnent tout les repas, constitués de rôties de fromage fort, fromage mou tous deux fait de laits de vache. La soupe est faite de courge tandis que les fèves et les pois sont mangés à l’écuelle et non pas en purée. Les haricots sont aussi dégustés apprêtés. Pendant les travaux d’été, un cinquième repas composé d'une soupe au lait accompagnée de pain de fromage et de lard, est servi aux champs. "La viande fricassée ou lard...n’apparaît que rarement"[6] et est réservée aux jours de fête. La viande est généralement issue d'une truie la moins convenable à la vente. Mais il est aussi fait parfois usage de viande de vache lorsque celle-ci risque d’être perdu pour l'usage quotidien.

 

Jérôme Croyet

docteur en histoire

 

[1] FOREST (Germain) : Traditions des pays de l'Ain. Editions Curandera, Voreppe, 1991, page 65.

[2] Le janvier 1781, de retour de la foire de Marboz, où ils ont vendu du bétail gras, les sieurs Morand et Brevet, les deux frères Morandat, et leurs trois domestiques s'arrêtent dans une auberge de St Etienne du Bois pour s'y rafraîchir.  Etant partis en laissant leurs domestiques, ces derniers quittent l'auberge plus tard et "s'arrêtèrent dans le village de ka Claison, ils y causèrent du tumulte, ils abattirent deux barrières, firent des efforts pour abattre le chapitel de Pierron et comme ils ne purent y parvenir, ils enlevèrent dessous ce cheptel un tombereau  qu'ils trainèrent jusque dans la rue, ce fut alors que ces trois domestiques furent poursuivis par les habitants". Ils se sauvent et rejoignent leurs maîtres qui ne sachant pas ce qui arrive. Les domestiques se défendent contre les habitants et l'un des domestiques alors armés d'une pique arrache un œil à un autochtone. L'affaire est portée devant la cour de justice criminel et les maîtres sont défendus par Populus. A.D. Ain 18J 12.

[3] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.

[4] DUPAQUIER : Pour en finir avec le clon. Bourg, 2003, 11 pages.

[5] BOSSI : Statistiques sur le département de l'Ain, 1806. A.D. Ain.

[6] FOREST (Germain) : Traditions des pays de l'Ain. Editions Curandera, Voreppe, 1991, page 66.

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