Au début de la Révolution et durant la période impériale, la démographie de l'Ain est à l'image de son relief : un axe nord-ouest sud-est populeux (Pont-de-Vaux, Bourg, Ambérieu-en-Bugey, Belley) et un axe nord-est sud ouest peu habité (Trévoux, Chalamont, St Rambert, Poncin, Nantua, Gex) voir même démographiquement en déclin. Le premier axe compte 32 857 habitations en 1806 contre 23 067 au second.
L’Ain est aussi à l’image de ses habitants. Le préfet Bossi, en 1806, en dresse les portraits. Le Bressan, est à l'image de son habitat, cossu et renfermé : "le Bressan doit ses formes arrondies à un tissu graisseux abondant plutôt qu’à la force de ses muscles ; il se livre avec lenteur, mais avec constance aux travaux du corps ; il semble redouter davantage ceux de l'esprit...son imagination, peu active, se promène lentement autour d'un cercle d’idées limitées...attaché aux lieux qui l'on vu naître, il ne visite presque jamais l'habitant des départements voisins...s’il vient à quitter son pays et à respirer un air plus pur...facultés qui n’étaient qu'engourdies se développent avec énergie". Au nord de la Bresse vers Montrevel, "dans peu de pays le sexe est aussi beau que dans cette partie de Bresse. Les femmes...y ont un air de fraîcheur qu'elles conservent jusque dans un âge avancé. Elles ont la peau fine et délicate et un teint fleuri qu'elles ne doivent qu’à la nature. Elles ont souvent des formes parfaites que leur habillement et la manière de se coiffer font très bien ressortir...si le bressan agit lentement et tranquillement, médite ses projets et pour ainsi dire jusqu’à ses désirs et les abandonne aussitôt qu'il trouve de l'opposition ou des difficultés". Napoléon dira même des bressans qu’ils sont les meilleurs soldats à condition qu’ils aient leurs sabots cassés. En dessous de la Bresse se trouve la Dombes, émaillée d’étangs dont l’habitant, vivant sur cette terre incommode, a "un teint pale et livide, l’œil terne et abattu...des rides nombreuses sillonnant la figure...des épaules étroites...une voix grêle, une peau toujours sèche inondée par des sueurs débilitantes, une démarche lente et pénible...tel est l'habitant des Dombes". Le Dombiste est un fataliste stoïque, qui ne goûte aucun plaisir, "il ne visite la chaumière de son voisin que pour y chercher une femme aussi faible, aussi débile, aussi pauvre que lui". A cheval entre la Bresse et le Bugey, se trouve le Revermont. Son habitant a "le teint (qui) se rembrunit, les formes sont moins arrondies, mais les muscles sont plus prononcés...par une diminution sensible du tissu graisseux". Si les hommes sont musclés, "autant les femmes et les filles de la Basse Bresse sont agréables pour la figure, autant celle de la Haute Bresse le sont peu ; elles sont généralement maigres et hâlées...elles ont un air plus libre et plus déterminé que les femmes de la plaine. Elles sont aussi plus fécondes et jouissent d'une meilleure santé". Le Bugiste "est robuste, musculeux, sanguin ; les hommes en général sont bien faits, ont les traits bien prononcés". Il est "actif, industrieux, constant et dur au travail, vif quelques fois emporté, courageux, enjoué, intelligent, docile, religieux... plus actif, combine vivement les profits qu'il peut faire et n'est point rebuté par les obstacles qui le rendent au contraire plus entreprenant". Au début du XIXe, ce parfait bugiste s’entiche d’un défaut : la bouteille. Les femmes Bugistes sont robustes et fécondes, mais "les travaux pénibles auxquels se livrent continuellement dans ce pays les femmes...offrent soit dans leur corsage, soit dans leurs traits, des altérations qui prouvent assez que la nature n'a pas destiné leur sexe à de si rudes occupations".
Jérôme Croyet
docteur en histoire
président de la SEHRI