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la guerre de 1870-71 dans l'Ain : les gardes mobiles

C'est dans cette atmosphère que la Garde Nationale Mobile de l’Ain est constituée. La mobilisation des bataillons de Gardes Nationaux Mobile ne pose pas trop de problème. Par contre, un différent se fait rapidement jour, notamment dans le bataillon de Bourg, entre les hommes du rang et les officiers. En effet, la proclamation de la République, connue le 14 septembre à Bourg, soulève des divergences ; alors que les hommes de troupes accueillent avec plaisir cette nouvelle, en arborant une cocarde à la boutonnière, les officiers, sous le prétexte de la discipline, répriment cet élan populaire en faisant incarcérer deux moblos qui ont refusé de l’enlever. Dès lors, le manque de cohésion dans les bataillons de mobiles de Bourg et Belley sont flagrants. Les hommes de troupes du 1er bataillon, unis aux sous-officiers, tentent de républicaniser les bataillons en demandant le 30 septembre 1870, suivant la loi, la possibilité d’élire leurs officiers1. En effet, les mobiles ne font pas confiance aux capacités militaires de leurs officiers ni à leur esprit une fois au feu. Malgré leur réclamation au préfet, les moblos de Bourg et Belley se voient en parti débouté dans leur réclamation par une dépêche du général commandant la 8e division militaire, du 26 septembre, qui suspend les élections d’officiers non ratifiées par l’autorité militaire, en raison de l’état d’urgence, du manque d’application mais implicitement par soucis politiques de ne pas “ républicaniser ” les cardes de troupes armées. Dans le 4e bataillon, l'ambiance est tout autre, une union tacite entre les bonapartistes, les républicains et les royalistes est de mise : "ne pousser qu'un seul cri de ralliement : la France". Malgré la nomination des officiers par décret, la formation des bataillons de l'Ain souffre de l'orgueil de certains chefs mais bénéficie heureusement de bonnes volontés. Le 5 novembre 1870, le ministre de l'Intérieur nomme Courbier lieutenant colonel de la légion de Trévoux. Mais celui-ci refuse car "il voulait le grade de colonel"2. Le préfet de l'Ain doit alors, le 21 décembre écrire au ministre de l'Intérieur pour l'encourager à nommer au poste de lieutenant colonel de la légion de Trévoux, Jean Térier, ancien brigadier au 6e dragon, élu commandant de la Garde Nationale sédentaire mais passé volontairement dans la mobile malgré sa femme et ses enfants et qui occupe provisoirement la place de Courbier.

A partir du 2 novembre 1870, les hommes veufs et mariés de 21 à 40 ans sont compris dans la mobilisation des mobiles. Cette deuxième vague de mobilisation concerne 21 831 hommes, 8168 dans l'arrondissement de Bourg, 4122 dans celui de Belley, 867 dans celui de Gex, 2509 dans celui de Nantua et 6165 dans celui de Trévoux. Cette nouvelle organisation des mobiles de l’Ain apportent de nouveaux problèmes. Si l'instruction réduite à 15 séances annuelles d'une journée ne semble pas faire défaut en temps de paix, la mobilisation des mobiles pose le problème de l’instruction concrète des moblos. Pour pallier à cette déficience, le 29 octobre 1870, le ministre de l’Intérieur demande au préfet “ d’assurer la prompte instruction des gardes mobilisés (en faisant)…appel aux anciens sous-officiers et soldats moyennant une légère rétribution ”3. A ces appelés se joignent des volontaires, qui par patriotisme et amitié4 demandent à rejoindre le 40e régiment de Gardes Nationaux Mobiles.

Si, d'après la loi du 14 janvier 1868, les Gardes Nationaux Mobiles doivent constituer une réserve instruite capable de réduire l'infériorité numérique de l'armée française face à l'armée prussienne, il s'avère lors de la mobilisation que l'équipement et l'armement ne sont pas prévus ; le 17septembre 1870, des pantalons de drap venant de Bourg, pour le 1er bataillon de Mobiles de l’Ain arrivent à Belley, sans directives de distribution. Le 29 octobre, les ministres de la Guerre et de l'Intérieur demandent au préfet de l'Ain d'acheter 1 300 capotes pour les mobiles de l'Ain et le 30 octobre 1870, le fabriquant Vettu de Lyon propose au préfet de l'Ain de fabriquer des effets d'équipement des mobiles. Il se propose de fabriquer les ceinturons à 2 francs 35, le porte sabre à 2 francs 50, les bretelles de fusils à 1 franc, les portes baïonnettes à 2 francs 25 ou les cartouchières à 2 francs 80.

Pour ce qui est des vêtements des mobiles, ils sont reçus par le préfet de l'Ain le 13 novembre 1870 et consistent en une vareuse, un pantalon et une capote gris bleu. Le complément arrive le 8 janvier 1871, de Lyon, sous la forme de 400 képis. Ce cas n’est pas unique à la mobile de l’Ain, en décembre 1870, alors qu’il combat près de Nuits St Georges, les 32e et 57e régiments de marche, ont aussi un équipement incomplet : il leur manque des capotes.

Toutefois, les mobiles quittent l'Ain équipés, habillés et armés. Au contact de la vie militaire la fragilité de l'habillement se révèle. Le 27 juillet 1871, le commandant de la 3e Légion de Gardes Nationaux Mobiles, ainsi que le commandant supérieur des mobiles de l'Ain, Carrier, se plaint du manque de qualité des vareuses et des pantalons à qui il ne reste plus que la trame au bout d'un mois5. De son côté, Carrier exige la fourniture de nouvelles capotes. Le cas est similaire pour la mobile de l’Aveyron pour qui les vareuses en molleton bleu et collet rouge, sont fabriquées en tissu trop léger pour l’hiver.

A partir du 4 novembre, le sous-préfet de Belley écrit au préfet de l’Ain que l’armement s’effectue à Nantua comme à Belley, mais d’une manière inégale entre les cantons. Il manque dans le Bugey, 5 à 600 fusils. En effet, les mobiles de l'Ain sont armés du mieux possible mais dans des conditions chaotiques : le 24 novembre 1870, les mobiles de Belley remettent leurs armes, soit 155 fusils et 152 baïonnettes aux mobiles de Bourg, pour recevoir le lendemain du sous préfet de Nantua 100 fusils Enfield et 323 fusils à percussion. De même, les mobiles reçoivent les fusils des pompiers et des gardes nationaux sédentaires comme c'est le cas à Montluel, le 25 novembre, avec 249 fusils provenant de Montluel, La Boisse, Beynost et Dagneux. Mais, face à la pénurie d’armes, des capitaines de moblos réquisitionnent, malgré les instructions, les armes des gardes nationaux sédentaires, à Meximieux et au Plantay. Ces réquisitions forment une différenciation entre la Garde Nationale Mobile, qui se veut l’élite et la Garde Nationale Sédentaire, qui devient une cavalcade de soldats du dimanche.

De même les cartouches font défaut : le 2 novembre 1870, le sous-préfet de Trévoux demande 2 000 cartouches à blanc pour la Garde Nationale. Les fusils ayant la faveur des moblos de l’Ain ne sont pas les Chassepot modèle 1866, pas assez disponibles, mais des fusils anglais, les Enfield et de vieux fusils à poudre modèle 1822, ce qui est aussi le cas du 1er bataillon de mobile de l’Aveyron qui ne perçoit que “ de vieux fusils à pierre modèle 1822 transformés à piston ”6.

4 bataillons de mobiles sont formés dans l’Ain : le 1er regroupant les mobiles de l’arrondissement de Belley, le 2e de Bourg, le 3e de Nantua et le 4e de Trévoux, plus une compagnie de dépôt. Le 1er bataillon est sous les ordres d'Angeville, le 2e sous les ordres de Compagnon de la Servette, le 3e sous les ordres du vicomte du Couëdic (petit fils de Montholon) et le 4e sous les ordres de Doru.

 

Jérôme Croyet, Docteur en Histoire,

 

cours donné à l’Université Tous Ages, Lyon II. Année universitaire 2003 - 2004

 

1Cette élection est pourtant prévue par décret mais très peu appliquée avant l'entrée en guerre.

2Lettre du préfet de l'Ain au ministre de l'Intérieur, 21 décembre 1870. A.D. Ain 4R.

3Directive du ministre de l’Intérieur sur l’instruction des moblos, 29 octobre 1870. A.D. Ain 4R.

4Le 6 septembre 1870, le notaire Bollache de St Jean le Vieux, capitaine des pompiers, demande a intégrer le 1er bataillon de Garde Nationale Mobile de l'Ain, "dont les officiers sont tous mes camarades de collège et d'enfance". Lettre de Bollache. A.D. Ain 4R.

5De plus le tissu devient alors déchirant se qui rend les réparations difficiles.

 

6MERY (Christian) : “ les francs-tireurs de l’Aveyron ” in Tradition Magazine n°193.

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